La sécurité, argument de la Russie pour avancer ses pions en Afrique

Afrique

Présence d’entreprises militaires privées en Centrafrique et au Soudan, tournée diplomatique au Maghreb… l’Afrique attire la Russie, qui cherche à étendre son influence sur le continent.

Petit à petit, la Russie fait son chemin en Afrique. Mercredi 23 janvier, Moscou a confirmé la présence d’entreprises de sécurité russes au Soudan. Plus que jamais, le continent est dans le viseur des intérêts de la Russie.

« Selon nos informations, des représentants d’entreprise russe de sécurité privée, n’ayant rien à voir avec l’État, opèrent bien au Soudan », a confirmé Maria Zakharova, porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères lors d’une conférence de presse.

La porte-parole répondait aux allégations de médias britanniques, notamment le Times, qui affirme que des mercenaires russes aident à la répression des manifestants soudanais, qui réclament le départ du président Omar el-Béchir, au pouvoir depuis 30 ans.

« L’objectif [de ces entreprises de sécurité] se limite à entraîner les militaires et forces de l’ordre de la République du Soudan », a-t-elle souhaité clarifié.

Une influence en Centrafrique qui inquiète la France

Le Soudan n’est pas le seul pays où des sociétés militaires privées russes avancent leurs pions. En Centrafrique, la situation commence à préoccuper la diplomatie française. Le 23 janvier dernier, Le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, s’est inquiété devant la commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces armées du Sénat d' »une présence active de la Russie, récente, significative, antifrançaise ».

Pour le chef du Quai d’Orsay, les Russes sont représentés sur place « en grande partie par la force Wagner. C’est-à-dire, ce n’est pas vraiment l’armée, mais des supplétifs ».

Le groupe Wagner n’a pas d’existence légal, les sociétés militaires privées étant officiellement interdites en Russie. Sa réputation est pour le moins sulfureuse. En juillet 2018, trois journalistes, Orkhan Dzhemal, Alexander Rastorguev et Kirill Radchenko, ont été assassinés en Centrafrique alors qu’ils étaient accompagnés d’un chauffeur lié au groupe Wagner. Le Centre de gestion des investigations qui les employait estiment qu’ils ont été tués en raison de leur enquête sur les mercenaires russes. Moscou retorque qu’il s’agit d’un braquage qui a mal tourné.

Selon les autorités russes, un total de 175 experts militaires, dont cinq instructeurs, sont bien présents en Centrafrique, à la demande de la présidence centrafricaine, dépassée par les agissements de nombreux groupes armés. « Les spécialistes militaires russes ne participent pas aux combats, ils ne s’occupent que de formation », précise Maria Zakharova, cité par Russia Today France.

Preuve de l’entente, la ministre de la Défense centrafricaine, Marie-Noëlle Koyara, a invité la Russie, le 10 janvier, à ouvrir une base militaire dans le pays, déchiré par la guerre civile.

L’offensive « sécurito-commerciale » ne se limite pas à ces deux États. En témoigne la présence de Rosobonexport, l’agence russe d’exportation d’armes créée par un décret de Vladimir Poutine en 2001, au Salon international sur la sécurité et la défense « Shield Africa 2019 » qui s’est tenu à Abidjan, en Côte d’Ivoire, du 22 au 24 janvier. La présence de l’entité russe a été annoncée par un communiqué au titre évocateur : « Make Africa safe » (Rendre l’Afrique plus sûr).

« 2019 devrait devenir ‘l’année de l’Afrique’ pour la coopération militaro-technique de la Russie », se réjouit, Alexandre Mikheiev, directeur général. Il assure « travailler avec succès » avec le G5 du Sahel (Burkina Faso, Mali, Mauritanie, Niger, Tchad) et la Communauté de développement de l’Afrique australe.

Une offensive diplomatique en Afrique

L’expansion des sociétés de sécurité privées russes sur le continent s’accompagne d’une offensive diplomatique de la part du Kremlin. En mars 2018, le ministre des Affaires étrangères, Serguei Lavrov, avait effectué une grande tournée en Afrique australe et centrale. Il avait successivement visité l’Angola, la Namibie, le Mozambique, le Zimbabwe et l’Éthiopie. Peu après, Vladimir Poutine a annoncé l’annulation de 20 milliards de dollars de dettes contractées par des pays africains au près de Moscou. Puis des accords militaires ont été conclus avec la RD Congo, l’Éthiopie, et le Mozambique.

Dès 2016, cette stratégie d’influence avait été théorisée dans un document de politique extérieure, relève Le Monde : « La Russie élargira sa coopération avec les États africains sur une base bilatérale et multilatérale (…) en développant des relations économiques et commerciales mutuellement bénéfiques, en instaurant une coopération globale, et en contribuant à prévenir les conflits régionaux et les situations de crise ainsi que les règlements post-conflit en Afrique. »

Pour sa première tournée de 2019, c’est le Maghreb et plus précisément l’Algérie, le Maroc et la Tunisie que Serguei Lavrov a choisi, une première depuis près de 14 ans.

Selon Le Temps, Moscou s’appuie largement sur le crédit obtenue grâce à son soutien actif à Bachar al-Assad en Syrie. Alliée du dirigeant syrien envers et contre tout, la Russie est apparue en mesure d’apporter une solution sécuritaire aux pouvoirs en place contre les oppositions armées (ou terroristes), en contraste avec des Occidentaux qui ne feraient que déstabiliser la situation (Irak, Libye).

Cette vision du monde séduit un nombre croissant d’hommes d’État, frappés par les destins opposés de Bachar al-Assad et de Mouammar Kadhafi et pas seulement en Afrique : selon Reuters, un groupe d’agents de sécurité privée russe seraient arrivés au Venezuela pour renforcer la sécurité de son président, Nicolas Maduro.

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