La justice pénale internationale doit changer de philosophie

Dans une tribune au « Monde », l’avocat François Roux rappelle l’action déterminante des juridictions internationales mais souhaite l’abandon de la procédure uniquement accusatoire, qui se révèle chronophage, budgétivore et inefficace.

TRIBUNE. La démission bruyante de Carla del Ponte de la Commission d’enquête sur la Syrie annoncée début août en témoigne, la justice pénale internationale est aujourd’hui en danger. Elle est l’objet de très sérieuses critiques, à la hauteur des espoirs qu’elle avait fait naître : des blocages politiques comme celui dénoncé par Carla del Ponte, des procès trop longs, trop coûteux, trop loin des populations.

Les victimes ne sont pas satisfaites, les Etats se plaignent avec raison du coût et du manque d’efficacité de cette justice. Quant aux accusés, beaucoup attendent pendant des années leur jugement, en violation des textes internationaux. La liste des reproches est longue. Nous les connaissons bien.

Et pourtant. Qui aurait dit, il y a vingt-cinq ans, que plusieurs présidents en exercice ou déchus seraient un jour traduits devant une juridiction pénale internationale ? Les présidents Milosevic (Serbie), Khieu Samphan (Cambodge), Gbagbo (Côte d’Ivoire), Taylor (Liberia), Hissène Habré (Tchad), le vice-président Bemba (RDC), et maints hauts responsables civils et militaires.

Tout un corpus de droit et de jurisprudence

Les débuts furent difficiles. Tout était à construire. Cependant les premiers actes d’accusation internationaux depuis les procès de Nuremberg, après la seconde guerre mondiale, arrivèrent devant le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie, puis les premiers jugements. Il y eut des condamnations, mais aussi des acquittements. Puis fut créé le Tribunal pénal international pour le Rwanda, suivi du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, des Chambres extraordinaires auprès des tribunaux cambodgiens, de la Cour pénale internationale, du Tribunal spécial pour le Liban, des Chambres africaines extraordinaires (chargées de juger Hissène Habré). Aujourd’hui, les Chambres spéciales pour le Kosovo, demain, la Cour spéciale centrafricaine.

Ce sont des centaines de juristes, juges, procureurs, avocats,…

Originally posted 2017-08-29 14:23:34.