La monnaie commune confère un sentiment d’appartenance à une communauté. Elle constitue donc une phase importante du processus d’intégration en facilitant les échanges entre pays de la zone, au bénéfice des économies nationales et des acteurs économiques et en instaurant un système efficace de confiance à l’intérieur de cette zone. Aussi, le 12 Mai 1962, 7 pays d’Afrique de l’Ouest, dont le Sénégal, ont-ils adopté le traité créant l’Union monétaire Ouest africaine (UMOA). Celle-ci sera complétée le 10 janvier 1994 par le traité instituant l’union économique et monétaire Ouest africaine (UEMOA).
Bien que le Sénégal ait joué un rôle majeur dans ce processus, la question de son retrait pur et simple de l’union monétaire est de plus en plus agitée dans le débat politique et pousse à s’interroger sur sa pertinence, au regard de la dynamique irréversible d’une intégration africaine.
L’importance du marché africain pour le Sénégal
L’Afrique occupe une place importante dans le commerce extérieur du Sénégal qui, en 2017, y a réalisé 42,1% de ses exportations totales contre 39,1 % en 2011 et n’y a importé que 17,8% de ses besoins. La CEDEAO absorbe 80% des exportations sénégalaises sur le Continent africain et l’UEMOA constitue le premier marché d’exportation du Sénégal. En 2017, elle a absorbé 60% des exportations sénégalaises sur le continent africain et 25,41% de ses exportations totales. Durant la période 2008-2017, la valeur moyenne des exportations sénégalaises dans la zone UEMOA s’est établie à 307,184 milliards de francs CFA contre 76,206 milliards pour les importations, réalisant sur la même période, un excédent commercial de 230,978 milliards en moyenne par an. Ce résultat positif s’explique par l’existence du marché unique qui favorise une libre circulation des personnes et des biens et incite l’implantation de moyennes et grandes entreprises dans des pays stables comme le Sénégal, pour tirer profit du marché sous régional, créant ainsi de l’emploi et de la valeur pour les populations.
La viabilité d’un retrait du Sénégal de la Zone CFA
Le Sénégal peut se retirer de l’Union monétaire Ouest africaine (UMOA), conformément aux dispositions de l’article 36 du Traité modifié de l’UMOA. Ce retrait impliquerait celui de l’Union économique et monétaire Ouest africaine qui complète l’union monétaire et aurait des conséquences mineures sur l’accès au marché si le Sénégal décidait de rester dans la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Toutefois, la CEDEAO ayant un projet de monnaie commune à l’horizon 2020, le Sénégal devrait, pour garder son autonomie monétaire, se retirer également de la CEDEAO. Ce retrait remettrait en cause l’accès des produits sénégalais à un marché de près de 300 millions d’habitants et constituerait un renoncement à tirer profit de la libre circulation des personnes et des biens et du pouvoir des blocs régionaux dans les négociations commerciales internationales. Ce qui isolerait le Sénégal dans la région Ouest africaine.
L’Accord sur la Zone de libre-échange continentale africaine ayant été signé individuellement par les Etats-parties, le Sénégal accéderait à son principal marché d’exportation dans les mêmes conditions que les pays hors CEDEAO. Cette situation effriterait ses parts de marché sur sa principale zone d’exportation et aggraverait le déficit de la balance commerciale et par ricochet celui de la balance des transactions courantes (BTC). Or, le déficit de la BTC s’accompagne généralement d’un déficit budgétaire. D’où la notion de déficits jumeaux. Le déficit budgétaire entrainerait une baisse des dépenses publiques,des prestations offertes aux populations mais également de l’activité économique, de l’emploi, accroitrait la pauvreté et ferait peser un risque sur la stabilité sociale.
Au regard de cette probable réaction en chaine, l’assertion de Son Excellence, Monsieur Macky Sall, Président de la République du Sénégal trouve tout son sens : ‘’ la monnaie CFA a des avantages. Elle a peut-être aussi des inconvénients, mais peut-on tout de suite la jeter et engager une aventure ?’’.Question d’autant plus pertinente que le FCFA, quoi qu’on puisse en dire, constitue encore un gage de stabilité et de sécurité du fait de sa crédibilité internationale qui fait défaut aux autres monnaies de la région.
Assome Aminata Diatta,
Directrice du Commerce extérieur