Sénégal : « AmathDansokho était le meilleur d’entre nous »

Sénégal

REVUE DE PRESSE. Un concert d’hommages a salué la disparition de cette figure, l’une des plus marquantes de la scène politique sénégalaise de ces cinquante dernières années.

Plusieurs personnalités, dont le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, la présidente du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Aminata Touré, des membres du gouvernement, des députés, ainsi que plusieurs officiels et des officiers de l’armée ont pris part dimanche, à l’hôpital principal de Dakar, à la cérémonie de levée du corps de l’ancien ministre d’État Amath Dansokho. Des membres de la famille et des amis du défunt, des élus ainsi que des représentants d’organisations syndicales, de la société civile et de guides religieux ont aussi participé à cette cérémonie.

Un leader historique

Figure majeure de la vie politique sénégalaise depuis plus de 60 ans, opposant aux présidents Léopold Sédar Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade, Amath Dansokho est décédé vendredi 23 août à Dakar, à 82 ans des suites d’une maladie. Acteur témoin de la vie politique, « Dansokho perd la lutte finale », titre le journal QuotidienLe Soleil salue un « infatigable combattant de la démocratie ». Le journal revient sur le parcours d’un « homme de conviction et d’une générosité débordante. Un faiseur de rois ». Samedi, toute la presse sénégalaise se faisait l’écho de cet événement douloureux, intervenu quelques semaines après le décès de plusieurs personnalités Sénégalaises, comme Ousmane Tanor Dieng du Parti socialiste ou encore Jacques Diouf, l’ancien directeur général du FAO.

Les acteurs politiques unanimes

Responsable de la coalition au pouvoir, cet homme qui a, pendant de nombreuses années, dirigé le Parti de l’indépendance et du travail (PIT), une formation qui se réclamait du communisme, était un allié du président Macky Sall, au pouvoir depuis 2012. Le chef de l’État sénégalais a salué « un grand combattant de la liberté, de la démocratie et du progrès des peuples ». Amath Dansokho « aura été de tous les combats et marqué notre histoire politique et sociale contemporaine pour son rôle éminent et historique de lien entre plusieurs générations d’acteurs politiques, de grand rassembleur infatigable », a publié Macky Sall dans un communiqué.

C’est pour défendre un idéal communiste de justice et d’égalité que Amath Dansokho entrera en politique. Homme politique et syndicaliste, il a été plusieurs fois emprisonné et a connu pendant de nombreuses années l’exil sous le président Senghor (1960-1980), séjournant dans des pays africains et de l’ex-bloc de l’Est. Il s’est également opposé aux présidents Diouf (1981-2000) et Wade (2000-2012), qui l’ont nommé ministre, avant de le limoger après ses critiques contre leur gestion. Le journal L’Observateur est revenu sur les dernières confidences de l’homme, avec une photo de dos de Dansokho. Le titre qui barre la une salue le combattant : « Il fut un tsar de combats ». Dans l’opposition, plusieurs politiques ont salué sa mémoire, comme Ousmane Sonko, président du parti PASTEF et député depuis juillet 2017.

« C’est un baobab qui vient de tomber, un homme qui a été de toutes les luttes pour la démocratie et les libertés fondamentales » au Sénégal et en Afrique, a estimé sur Twitter le défenseur des droits de l’homme et personnalité de la société civile Alioune Tine. « C’était un grand patriote qui pendant toute sa vie a été au service du Sénégal et de l’Afrique », a témoigné l’ex-Premier ministre et opposant Idrissa Seck.

« C’est le Sénégal qui perd, c’est l’Afrique qui perd »

Amath Dansokho a été membre du Parti africain de l’indépendance (PAI) qui fut la première formation communiste des colonies françaises d’Afrique noire, avant d’en démissionner pour créer avec d’autres camarades le PIT. Le président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse évoque « un homme de conviction et de foi » tandis que la présidente du Conseil Économique sociale et environnementale : Aminata Touré indique qu’« un grand combattant de la justice sociale s’est reposé ».

Le décès d’Amath Dansokho a eu une onde de résonance en Afrique, et tout particulièrement en Guinée, pays voisin, où le président Alpha Condé a rendu hommage à cette figure historique de la gauche sénégalaise. «  Je suis profondément attristé par la nouvelle. Amath était un ami fidèle et sincère. Il était un homme exceptionnel. C’est un ami, un camarade que j’ai connu lorsqu’il était le représentant du Parti africain de l’indépendance (PAI). Les gens pensaient à l’époque qu’Amath était mon frère lorsqu’ils nous voyaient ensemble. C’était la personne à laquelle j’étais la plus attachée au Sénégal. Même quand je devais faire une heure au Sénégal, il fallait que je passe le voir. J’admire son engagement, son désintéressement et sa familiarité », a réagi Alpha Condé. Le quotidien Walf a plongé dans ses archives et retrouvé une interview presque prémonitoire d’Amath Dansokho datant de 2010 et dans laquelle il semble presque faire son testament : « Si je meurs, je ne voudrais pas d’hommage folklorique, l’estime du peuple me suffit. Devenir président de la République ne m’a jamais effleuré l’esprit. »