Nous devons tous prêter serment !

Sénégal

Ce mardi 02 avril 2019, le président de la République du Sénégal, Macky Sall, va entamer son second mandat, dont le coup d’envoi sera donné à l’occasion de la cérémonie solennelle de prestation de serment. Devant le peuple sénégalais, il dira : «Je jure de remplir fidèlement la charge de président de la République, d’observer comme de faire respecter scrupuleusement les dispositions de la loi». Cet engagement que prendra le président de la République, à travers ce serment, doit être pris par l’ensemble des citoyens sénégalais, investis d’une mission de Service public.

Lorsque le Président s’engage à remplir ses charges, aucun citoyen ne devrait être en reste, quel que soit son niveau de responsabilité.
Cet engagement devient une obligation pour tous, du ministre au Directeur, en passant par le député, le fonctionnaire, le sportif, le paysan, l’éleveur, le journaliste, l’étudiant, le transporteur etc. Malheureusement, au Sénégal, nous souffrons d’un mal qui semble incurable, à cause d’un état d’esprit collectif qui nous fait croire que seul le président de la République est responsable de tout, même la direction que doit prendre le vent.
Cet état d’esprit nous incite à tout attendre de l’État. Nous, Sénégalais, sommes partisans du moindre effort et sympathisants des loufoques, des experts en critiques faciles et des thuriféraires volubiles.
Or, le Sénégal n’a pas besoin de bonnes idées, mais plutôt de bonnes actions concrètes. Le Sénégal n’a pas seulement besoin d’Institutions fortes, comme le disait le Président Obama, mais aussi des hommes d’actions et de défis. Le Sénégal n’a pas besoin de leader charismatique, mais d’hommes et de femmes de résultats. Nous devons adopter une démarche de gestion par les résultats à tous les niveaux de l’État et du pays, en général.
Comment développer ce pays, si nous passons tout notre temps à organiser des élections couteuses ? Comment développer ce pays, si nous nous plaisons à nous entredéchirer, comme des ennemis, alors que le Sénégal doit être «un peuple sans couture», pour reprendre le grand citoyen, le Professeur Malick Ndiaye, Sociologue ? Comment faire avancer le Sénégal, si les acteurs politiques n’ont que l’insulte, la délation et la critique comme arguments uniques ? Comment faire du Sénégal un pays émergent, si les Sénégalais, eux-mêmes, continuent d’être complaisants, indulgents et crédules à l’égard d’une classe politique qui n’est intéressée que par la date des élections ?
Au Sénégal, l’opposant adulé par les citoyens, c’est celui qui sait critiquer, sans proposer ; c’est celui qui fait du mensonge une arme d’ascension politique et même sociale. Il faut balancer des accusations invraisemblables pour faire la « Une » des journaux et gagner le grade de «meilleur opposant» du Sénégal, puisque nous avons une population composée à plus de 60% d’analphabètes. Voilà, pourquoi, le Pouvoir doit investir dans l’Éducation des citoyens, surtout celle les filles. Enfin, l’autre acteur politique qui séduit les électeurs, c’est ce Ministre, ce Directeur ou ce PCA qui leur donne leurs parts  du butin (détourné ?).

NOUS SOMMES UN PEUPLE AUX COMPORTEMENTS ÉTRANGES… 

Aller dans les quartiers de Dakar, la capitale, les populations y vivent entourées d’amas d’immondices, qui envahissent leurs intimités jusque sur les trottoirs à, côté de leurs fenêtres. L’eau des fosses septiques ruisselle aux abords des villas, sans que les habitants ne soient gênés par ce décor embaumé d’une odeur fétide. Des chefs de famille garent leurs véhicules sur les voies d’accès, sans se soucier des passagers. Dans toutes les Communes de Dakar, les mécaniciens abandonnent les épaves des voitures sur la voie publique, perturbant ainsi la circulation et causant même des risques pour les enfants qui en font leurs jouets préférés.
Pour célébrer un mariage, une cérémonie religieuse ou un baptême, les familles sénégalaises occupent la voie publique du quartier, du village… Sur les routes, chacun y va selon ses humeurs et son inspiration, en violation flagrante du Code de la route, au vu et au su de l’agent de Police, impuissant parce que dépassé, s’il n’est pas, lui-même, complice de cette chienlit.
Nous construisons nos maisons, sans respecter les normes cadastrales et urbanistes. Nos marchés sont édifiés au-dessous d’installations électriques, avec des raccordements internes en ravaudage, qui provoquent chaque année des calamités. Certains, plus paresseux, s’installent sur les bouches d’incendie, sans rien apprendre des malheurs de l’année précédente. En cas de sinistre, nous accusons le maire ou l’État, oubliant nos responsabilités directes et personnelles dans tout ce  qui se passe autour de nous.
Les cours de nos maisons sont insalubres, les embouteillages bouchent la capitale, la pollution sonore dérange les voisins, les épaves des voitures réduisent nos marges de manœuvre sur la voie publique et nous ne sommes responsables de rien dans tout, de tout ce qui se passe dans la Cité. L’État est responsable de tout… même de la défaite du PSG. Regardons-nous dans une glace, un instant !
Faites un tour dans les Ministères ou Directions, après les heures de travail, les agents laissent les lampes et les climatiseurs sont allumés jusqu’au lendemain. «C’est l’État qui paie», dit-on lapidairement. Dans les toilettes, les robinets coulent sans répit. Le téléphone de service est utilisé à volonté, puisqu’il sert aussi annoncer les mariages, les décès, les baptêmes, les tours de familles et autres… Les véhicules de l’Administration et le carburant sont utilisés pour les courses familiales par ces mêmes agents de l’État.
Allez dans les hôpitaux pour constater le comportement des agents véreux et souvent irrespectueux envers les malades. Ils subtilisent, également, le peu de médicaments qui s’y trouvent. N’allez pas loin, jetez un coup d’œil sur la circulation urbaine, pour voir comment se comportent les conducteurs de taxi, de «Ndiaga Ndiaye» et autres clandos. Que dire des «Baye Fall» qui se permettent d’arrêter la circulation des véhicules pour faire leur «madial» (quête) ? Certains, parmi eux, s’offrent même la liberté de s’affaler sur la chaussée pour arrêter les véhicules et quémander de quoi mettre dans leur sébile. Est indescriptible, l’indiscipline dans l’espace public, devenu une scène de démonstration de l’insolence.
Nous, Sénégalais, nous nous trompons, si nous pensons pouvoir développer ce pays sans éducation, dans l’indiscipline et l’incivisme. Quelle est la place réservée à l’éducation, dans le programme des candidats à la présidentielle de février 2019 ? Allez-voir !
Nous Sénégalais, aimons la facilité et les raccourcis. Et le mal est tellement profond qu’aucun chef de l’État ne pourra développer ce pays, en 10 ans ou même en 10 mandats de 10 ans. Jamais ! Pour la simple raison que le Sénégal est mal parti et les Sénégalais, fatalistes à souhait, acceptent leur situation de pauvreté et de pays sous-développé. Nous ne faisons rien pour changer la situation. Ce qui intéresse les jeunes, ce sont les soirées au Grand Théâtre, les téléfilms et leur vie sur les réseaux sociaux. Chaque mois, une nouvelle danse est créée, là où, en Europe, les jeunes rivalisent dans la création d’applications et de logiciels informatiques.
Macky Sall est réélu et il n’atteindra ses objectifs que lorsque tous les Sénégalais l’accompagneront. C’était valable pour ses prédécesseurs. Si Idrissa Seck était élu en 2019, il allait encore solliciter un second mandat au terme de ses cinq ans. C’est donc une lapalissade de dire qu’entre 2019 et 2024, aucun des candidats ne pourra transformer le Sénégal pour en faire le Dubaï de l’Afrique, en 5 ans.
Ne nous comportons pas en ennemis. Nos adversaires communs s’appellent : PAUVRETÉ et INDISCIPLINE. Et pour prendre le dessus sur ces fléaux sénégalais, il nous faut une prise de conscience collective et une volonté commune de nous mettre au service de notre pays. Ça doit être une préoccupation nationale.
Mais, dans un pays où les travailleurs vont au bureau à 9h et le quittent avant l6h, dans un pays où, sur les 365 jours de l’année, plus de 100 sont consacrés aux cérémonies religieuses et aux nombreuses fêtes, sans compter les week-ends, comment peut-on parler de développement ? Au Sénégal, les fêtes sont toujours prises deux jours avant, avec une rallonge (bonus) de deux autres jours après, appelée «tarkhiss». Si la fin de la fête coïncide avec un vendredi ou un jeudi, les travailleurs ne reviennent au bureau que le lundi suivant. Cette formule est appelée «massalé» ou «pont».
Finalement, au Sénégal, on se retrouve avec moins de 200 jours de quorum de travail dans l’Administration, dans l’année. Nous ne sommes pas disciplinés au travail. Comment sortir de la pauvreté, si nous considérons le travail comme un supplice ? Nous, Sénégalais, ne travaillons pas, nous faisons semblant de travailler. Dans ce pays, ceux qui ont un emploi ne respectent pas leur travail ; ceux qui en cherchent n’ont pas de qualification.
Dans l’Administration, certains agents trouvent un alibi pour quitter leur bureau, après avoir signalé leur présence physique. Ils signalent juste leur présence au bureau pour tromper le chef, peut-être absent, lui aussi. Au Sénégal, tout est prétexte pour prendre des vacances : le baptême d’un voisin, la mort du frère d’un ami, le « Nganalé » d’un pèlerin revenu des lieux saints, le Gamou, le Magal, une petite grippe, même le divorce d’un proche ou le rhume du chat.
D’ailleurs, l’Administration sénégalaise est la seule qui n’a pas de système de pointage de ses agents. La Sonatel l’applique depuis longtemps. Dans cette entreprise, les heures de travail et la présence des agents sont strictement surveillées par des méthodes internes très performantes. Allez hors de Dakar, certains Directeurs régionaux, départementaux ou chefs de service excellent dans le laxisme.
Parlons de la corruption dans l’Administration, de ces fonctionnaires de l’État, qui rivalisent avec les hommes d’affaires privés. Non seulement certains fonctionnaires ne travaillent pas mais, pire, ils s’enrichissent sur le dos de l’État, à cause de cette corruption endémique érigée en mode de gouvernance. Allez aux Impôts et Domaines, au Trésor public, à la Douane, à la Justice… L’Administration sénégalaise est gangrénée.
Comment un pays où la corruption est généralisée, comme une gangrène dans tous les corps, où les fonctionnaires de l’Administration ne respectent pas les heures de travail, où les fêtes et les cérémonies religieuses priment sur le travail, peut-il se développer ?
Le problème de ce pays n’est ni Senghor, ni Diouf, ni Wade, ni Macky. Nous sommes tous responsables ! Et vouloir accuser un système ou un régime, c’est fuir ses responsabilités devant l’échec. Nos chefs d’État ne sont pas tombés du ciel. Ils sont nés, ont grandi et ont été éduqués dans la société sénégalaise. Durant leur passage à la tête du pays, ils ont travaillé avec la même Administration, depuis 1960.
La vérité est que nous, Sénégalais, doivent être conscients que ce pays sera bâti par nous-mêmes. Sinon, il ne le sera pas. Nous devons mettre en avant l’intérêt général au service du Sénégal. Si chaque citoyen se donnait corps et âme pour le Sénégal, comme il le fait pour l’équipe «Navétanes» du quartier, nous connaitrions l’émergence. Dans le quartier, chaque habitant se donne sans compter et sans rien attendre, pour la victoire de l’équipe. Les habitants se mettent au service de celle-ci, sans contrepartie. Pris à l’échelle du pays, chaque citoyen devrait se mettre au service de la Nation avec le même engagement comme si c’était notre équipe «Navétanes». Se donner sans rien attendre en retour. Nous ne devons rien attendre de l’État, au contraire, nous devons servir l’État et exiger aux dirigeants de bien gérer et de rendre compte au peuple. Mais, malheureusement, nous, Sénégalais, préférons nous donner pour notre marabout que de servir l’État. Nous pleurons lorsque le lutteur du quartier perd son combat, la défaite de l’équipe nationale nous est insensible. Nous devons réinventer ce «commun de vouloir de vivre en commun»  (comme disait Senghor) et au service exclusif de la Nation.
Pour que notre pays soit prospère, il faudrait que nous, Sénégalais, nous changions de mentalité vis-à-vis de l’État, que nous considérons, hélas souvent, comme un adversaire à combattre. La majorité des Sénégalais assimile l’État à la personne morale qui le dirige. Or, l’État, c’est chacun parmi nous. La preuve, Senghor, Diouf et Wade sont partis. Et pourtant, l’État demeure. Macky Sall partira et l’État restera.
Souvent, les acteurs politiques évoquent la continuité de l’État dans leur discours, sans comprendre que ce principe n’a de sens que lorsqu’un nouveau président de la République accepte de poursuivre l’œuvre de son prédécesseur, sans avoir la honte d’entendre les autres dire : «C’est l’œuvre de l’autre».

POUR UN NOUVEAU MODÈLE POLITIQUE SÉNÉGAL 

Wade avait poursuivi les œuvres de Diouf, Macky termine les chantiers de Wade et son successeur achèvera ses projets. Le Sénégal ne s’en portera que mieux. Or, pour que cela soit une réalité, il faudra que les acteurs politiques se concertent, échangent sur des choses qui concernent la marche du pays. En dehors des périodes électorales, Macky Sall, Me Abdoulaye Wade, Idrissa Seck et les autres devraient pouvoir s’enfermer pour échanger sur la situation du Sénégal et de l’Afrique. Mais, vouloir se comporter comme des ennemis ne fera que retarder le pays. Et les citoyens attendent plus de cette élite politique, qui oublie souvent sa mission véritable.
L’élite politique sénégalaise doit inventer un nouveau modèle de politique, qui pourrait inspirer le reste de l’Afrique. La concertation doit être institutionnalisée entre le Pouvoir, l’Opposition et les organisations socioprofessionnelles. Le nouveau modèle politique sénégalais doit être porté par l’ensemble de la classe politique et il doit se matérialiser par des concertations fréquentes et sincères entre acteurs. Car, le peuple sénégalais est mature, et penser que le radicalisme politique est la meilleure des recettes, c’est pratiquer la politique par les nerfs et sans le bon sens. C’est par le dialogue avec Abdou Diouf que Me Abdoulaye Wade avait réussi à baisser l’âge de l’électeur de 21 à 18 ans. Il savait qu’il était plus soutenu par la jeunesse. Et à la Présidentielle suivante, il a pris le pouvoir. Il faut de l’intelligence en toute chose.
Il nous faut, également, un nouvel ordre national incarné par des acteurs politiques, de l’Opposition comme du Pouvoir, assez courageux pour briser les barrières idéologiques et oublier les querelles anciennes, afin de se retrouver pour se mettre au service de la Nation.
Le Sénégal ne peut pas continuer à courir derrière le modèle démocratique occidental puisque, quelque part, nous n’avons pas le même cursus, ni le même niveau de développement économique. Les Français, par exemple, peuvent se permettre d’élire un nouveau Président tous les quatre ans, parce qu’ils ont le sens de la continuité de l’État, mais aussi leur niveau de développement n’en souffrirait guerre. Au Sénégal, nous avons encore du chemin à faire dans ce sens. Il faut donc que les acteurs politiques apprennent à cogérer la République, par une implication directe de l’Opposition dans le fonctionnement de l’État. Celle-ci a un rôle à jouer dans la marche de la République. Cela, les tenants du pouvoir doivent le comprendre et les opposants doivent avoir l’humilité de l’accepter. Il faut juste de l’audace et de la générosité.
Ne pensons jamais que nous pourrons atteindre les objectifs de développement avec une élite politique en perpétuelle contradiction avec elle-même et avec son peuple. Au Sénégal, tout nous divise.
Nous ne sommes d’accord sur rien, pas même sur les dates de la Tabaski ou de la Korité. Nous sommes un peuple difficile et difficile à administrer. Au Sénégal, nous ne reconnaissons les mérites des hommes qu’au lendemain de leur mort. Nous ne saluons l’œuvre de nos chefs d’État que lorsqu’ils quittent le pouvoir. L’opposant que nous soutenons, aujourd’hui, nous le combattrons dès qu’il accède au pouvoir.

METTONS-NOUS AU TRAVAIL ! 

Bâtir le Sénégal exige de nous une prise de conscience vis-à-vis de l’État et de nous-mêmes, en tant qu’entité de cet État. Aucun chef d’État ne pourra développer ce pays, si nous, Sénégalais, n’acceptons pas de nous remettre en cause. Il est, quand même, facile de tout mettre sur le dos de l’État, si nous ne faisons pas une introspection pour déceler les germes de notre échec, qui sommeillent en nous. Les dirigeants d’aujourd’hui étaient les citoyens lambda d’hier. Et ceux de demain sont les enfants qui, aujourd’hui, jouent au ballon dans le quartier, copiant les tares de notre société. Alors, c’est maintenant qu’il faut agir sur la jeunesse pour bâtir le Sénégal de demain. Il n’y a point de miracle, pour développer ce pays, il faut d’abord l’aimer, accepter de le servir et travailler sans relâche.
Nous devons bâtir notre pays ensemble, dans l’unité. Et, face à cette œuvre de construction nationale, chaque citoyen doit pouvoir faire sa propre évaluation, pour savoir ce qu’a été sa contribution. Qu’est-ce que nous avons fait pour notre pays ? Nous sommes des citoyens qui veulent toujours être assistés et pris en charge par l’État. Or, lorsque l’État prend en charge un citoyen, cela s’appelle un retour d’investissement. Mais ce dernier devrait être en mesure d’estimer son investissement pour l’État, afin de pouvoir s’attendre à une contrepartie.
Deux pays africains doivent nous servir d’exemple. Il s’agit du Rwanda et de l’Éthiopie, qui ont fait des bons spectaculaires vers l’émergence. Et la particularité de ces pays, c’est qu’ils ont connu la guerre, avec des cortèges de morts.
Le Sénégal, malgré sa stabilité, continue à trainer les pieds. Il faut, toutefois, reconnaître les grandes réalisations faites de 2000 à 2019, dans presque tous les secteurs de la vie. Mais la remarque, c’est que les Sénégalais n’accompagnent pas leurs Présidents, une grande partie de la population se contentant de critiquer, sans participer à l’effort de guerre contre la pauvreté et pour un mieux-être.
Mettons-nous au travail. Investissons-nous pour notre pays, sans nous soucier de celui qui est à la tête de l’État, car les Présidents passent et le Sénégal demeure. Alors, chaque citoyen doit se comporter en soldat, au service de la Nation.

Mamadou Mouth BANE