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Mondial 2026 (Q) : Édouard Mendy forfait contre la Mauritanie après une blessure au thorax

La Fédération sénégalaise de football (FSF) a annoncé une mauvaise nouvelle à la veille du choc face à la Mauritanie, prévu ce mardi 14 octobre 2025 à 19h. Le gardien titulaire de l’équipe nationale, Édouard Mendy, ne participera pas à la rencontre.

Le portier sénégalais s’est blessé au thorax lors du précédent match contre le Soudan du Sud, une blessure jugée suffisamment sérieuse pour le contraindre au forfait.

« Édouard Mendy, touché au thorax lors du match face au Soudan du Sud, est forfait pour la rencontre contre la Mauritanie ce 14 octobre 2025. Le gardien des Lions restera néanmoins avec le groupe pour poursuivre ses soins », a précisé la FSF dans un communiqué officiel.

Bien qu’il soit indisponible pour ce déplacement, le gardien d’Al-Ahli (Arabie saoudite) restera auprès de ses coéquipiers afin de continuer son traitement et d’apporter son soutien moral à l’équipe dans cette rencontre décisive des éliminatoires.

Barry Souleylane 

Namibie : Langer Heinrich a produit 1,06 million de livres d’uranium de juillet à septembre (+66%)

(Agence Ecofin) – Relancée en mars 2024, Langer Heinrich a produit 3 millions de livres d’uranium pour l’exercice financier 2025 de son opérateur Paladin Energy. Pour la période allant de juillet 2025 à juin 2026, la société veut accélérer la montée en régime de la mine vers sa capacité nominale.

En Namibie, la mine Langer Heinrich a produit 1,06 million de livres d’uranium de juillet à septembre 2025, période correspondant au premier trimestre de l’exercice financier de son opérateur Paladin Energy. Cette donnée tirée du rapport opérationnel publié par la société ce mardi 14 octobre traduit une hausse en glissement annuel de 66 % par rapport aux 640 000 livres d’uranium déclarées sur la même période l’année dernière.

Il s’agit, apprend-on, d’une « production trimestrielle record » pour la mine depuis son redémarrage en mars 2024, après une décennie de mise en maintenance. Paladin attribue ce résultat essentiellement aux améliorations opérationnelles sur le site au cours de la période considérée.

Il cite notamment un débit de 1,15 million de tonnes du concasseur de l’usine, ainsi qu’un « taux de récupération global moyen de l’usine de 86 % »« Nous avons enregistré une augmentation significative de nos activités minières à la mine Langer Heinrich pendant cette période, et notre accélération globale continue de progresser régulièrement, conformément à notre plan » a déclaré son DG, Paul Hemburrow.

Cette performance s’inscrit plus largement dans le processus de montée en régime de Langer Heinrich vers sa capacité nominale de 6 millions de livres d’uranium. Après avoir déclaré une production de 3 millions de livres sur le site pour l’exercice financier 2025 (juillet 2024 à fin juin 2025), Paladin projette entre 4 et 4,4 millions de livres pour l’exercice en cours. La capacité nominale visée ne devrait néanmoins être atteinte qu’à l’exercice financier 2027, selon les prévisions.

Aurel Sèdjro Houenou

 

Sidi Ould Tah rappelle l’urgence pour le Fonds Africain de Développement d’accéder aux marchés de capitaux

(Agence Ecofin) – Le nouveau président de la BAD, Sidi Ould Tah, a insisté sur le dossier visant à permettre au Fonds africain de développement d’accéder aux marchés de capitaux, une réforme urgente pour renforcer la capacité de financement du continent face à la raréfaction des ressources publiques.

Docteur Sidi Ould Tah, qui a officiellement pris ses fonctions de président de la Banque africaine de développement le 1er septembre 2025, a rappelé l’urgence de ratifier la charte du Fonds africain de développement (FAD) afin de lui permettre, avant le 31 décembre prochain, d’atteindre un seuil de 85 % d’accès possible au financement sur les marchés de capitaux. « Sans cela, notre capacité à servir sera fondamentalement limitée », a-t-il souligné.

Actuellement, le FAD ne peut mobiliser des ressources qu’auprès des prêteurs concessionnels tels que les États et les institutions de financement du développement. Une logique conforme à la nature du fonds, qui est le guichet « concessionnel » du groupe de la BAD, et à son rôle, qui consiste à fournir des financements très favorables (prêts à conditions souples, dons) aux pays à faible revenu.

Cette question avait déjà été abordée lors de la première réunion technique de mars 2025 sur la reconstitution du fonds, mais la mise en œuvre d’une telle évolution ne s’annonce pas simple. Il s’agira désormais de lever des capitaux à des taux de marché, pour soutenir des économies dont la capacité de gestion de la dette demeure fragile. L’un des enjeux majeurs sera donc de convaincre les investisseurs de la solidité du dispositif de maîtrise des risques.

Lors des échanges de Lusaka, Sidi Ould Tah a reconnu l’ampleur du défi. Selon la BAD, il a indiqué qu’un dialogue stratégique avec les agences de crédit à l’exportation et les institutions de financement du développement serait organisé en décembre afin d’établir de nouveaux partenariats pour mobiliser des investissements privés dans les pays éligibles au FAD.

Par ailleurs, la Banque africaine de développement pourrait également faire usage des instruments financiers à sa disposition — garanties, financements mixtes, émissions en monnaie locale ou appui à la préparation de projets — dans une offre unifiée conçue pour réduire les risques liés aux marchés fragiles et créer des opportunités d’investissement concrètes.

« Ensemble, nous pouvons mettre en place un FAD-17 robuste et tourné vers l’avenir, qui optimise chacune de nos capacités, renforce la résilience et la prospérité en Afrique, et qui génère des résultats clairs et mesurables pour chaque contributeur », a soutenu Sidi Ould Tah. Pourtant, cette ambition devra passer plusieurs épreuves de crédibilité, notamment vis-à-vis des marchés.

Sur le marché international de la dette, on observe un regain d’intérêt pour les titres souverains africains. L’écart moyen entre les taux d’emprunt et les rendements, indicateur du sentiment des investisseurs, s’est réduit à une moyenne de 3,4 %, une première en quinze ans selon Bloomberg. De plus, la Banque africaine de développement, maison mère du FAD, est parvenue à conserver sa note « AAA » chez Moody’s, l’une des principales agences de notation au monde. Un pays comme le Danemark a également apporté une note d’optimisme, en annonçant une hausse de 40 % de sa contribution pour la porter à l’équivalent de 172 millions $ (au taux de change actuel avec la couronne danoise).

Le défi reste toutefois immense. L’Afrique doit encore combler un déficit annuel de 650 milliards $ en financements extérieurs pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD). Dans le même temps, l’arrivée de l’administration Trump aux États-Unis et sa nouvelle approche de la coopération internationale et du climat laissent planer une incertitude sur la contribution de ce partenaire historique du FAD. Avec la France, le Royaume-Uni et l’Allemagne, ces quatre pays avaient apporté 2,4 milliards $ à la constitution du 16e FAD. Mais les trois partenaires européens affrontent des pressions internes persistantes, et le gap de financement pourrait atteindre 850 millions $.

Des pays comme la Chine, la Corée du Sud, la Norvège et la Suède sont, eux, perçus comme des contributeurs susceptibles d’augmenter leur participation. Par ailleurs, la BAD et plusieurs pays africains ont confirmé, lors d’opérations récentes, leur capacité à lever près de 2 milliards $ en une seule fois sur les marchés internationaux. Ces discussions se sont déroulées du 7 au 9 octobre 2025 à Lusaka, en Zambie, lors d’une ultime réunion technique avant la rencontre de décembre 2025 à Londres, au Royaume-Uni, consacrée à la reconstitution du 17e Fonds africain de développement.

Y ont pris part les représentants des pays bénéficiaires du mécanisme, ainsi que ceux du conseil d’administration de la BAD, y compris les membres issus des pays non africains. L’objectif de la rencontre était de définir les priorités, le cadre de financement et la stratégie d’implémentation du prochain cycle de collaboration, prévu entre 2026 et 2028. Ces complexités liées au financement interviennent alors que le Fonds monétaire international, dans son dernier rapport sur le suivi budgétaire, invite désormais les pays émergents à s’adapter pour faire plus avec moins de ressources.

Idriss Linge

 

Le Niger intensifie ses efforts pour généraliser l’accès aux services numériques

(Agence Ecofin) – La fracture numérique est assez prononcée au Niger. Les données officielles montrent qu’environ 70 % de la population est privée d’accès à Internet.

Les autorités nigériennes poursuivent leurs efforts en faveur de la généralisation de l’accès aux services numériques. Le ministre de la Communication et des Nouvelles technologies de l’information, Adji Ali Salatou, a procédé le lundi 13 octobre à l’installation d’un comité ad hoc chargé d’élaborer la stratégie d’accès universel aux services numériques et son plan d’action.

Selon le ministre, cette initiative vise à « apporter les services de communication électronique dans les nombreuses zones rurales et localités encore dépourvues de connectivité, contribuant ainsi à réduire la fracture numérique qui persiste entre les régions et entre les citoyens ».

M. Salatou a souligné que la future stratégie permettra au Fonds d’accès universel de jouer pleinement son rôle dans le désenclavement numérique du pays. Codifié par le décret n° 2018 736 PRN du 19 octobre 2018, ce fonds est géré par l’Agence nationale pour la société de l’information (ANSI). Il est alimenté par les contributions des opérateurs télécoms titulaires d’une licence (2 % de leur chiffre d’affaires) et de ceux disposant d’une autorisation (1 %), ainsi que par les appuis des partenaires au développement, les dons et legs, les subventions publiques…

Le Niger mise également sur le projet Villages intelligents pour la croissance rurale et l’inclusion financière (PVI), mis en œuvre sur la période 2020–2026 avec un financement de 100 millions USD de la Banque mondiale. Le programme vise à assurer la connectivité numérique de 1,9 million de ruraux et à favoriser l’inclusion financière digitale. Il prévoit la couverture 3G/4G de 2175 localités, la connexion haut débit de 300 établissements scolaires et 340 centres de santé intégrés, ainsi que la construction de 150 centres numériques à travers le pays. Toutefois, la mise en œuvre du projet a connu un ralentissement en 2024, en raison du changement de gouvernance intervenu en 2023. Sa reprise a été discutée lors d’une rencontre entre les autorités nigériennes et la Banque mondiale en juin 2025.

Le pays a par ailleurs attribué une licence d’exploitation à la société américaine Starlink en novembre 2024, avant le lancement de ses services en mars 2025. Les autorités estiment que cette arrivée contribuera à améliorer la pénétration de l’Internet et des services mobiles grâce à la connectivité Internet par satellite. En parallèle, le Niger et les autres pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) prévoient de déployer leurs propres satellites pour renforcer la couverture télécoms régionale.

Selon les données de l’Union internationale des télécommunications (UIT), la 3G et la 4G ne couvraient respectivement que 24 % et 17,5 % de la population en 2022. L’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (ARCEP) indique qu’à fin mars 2025, la couverture géographique globale atteignait 32 %, bien que ce chiffre ait été affecté par l’absence de données de Niger Télécom. La couverture de la population s’établissait à 77 %, avec un taux de pénétration mobile de 59,73 % et d’Internet de 40 %. Fin 2023, l’UIT estimait le taux de pénétration Internet dans le pays à 23,2 %.

Isaac K. Kassouwi
Edité par Sèna D. B. de Sodji

Le Niger intensifie ses efforts pour généraliser l’accès aux services numériques

(Agence Ecofin) – La fracture numérique est assez prononcée au Niger. Les données officielles montrent qu’environ 70 % de la population est privée d’accès à Internet.

Les autorités nigériennes poursuivent leurs efforts en faveur de la généralisation de l’accès aux services numériques. Le ministre de la Communication et des Nouvelles technologies de l’information, Adji Ali Salatou, a procédé le lundi 13 octobre à l’installation d’un comité ad hoc chargé d’élaborer la stratégie d’accès universel aux services numériques et son plan d’action.

Selon le ministre, cette initiative vise à « apporter les services de communication électronique dans les nombreuses zones rurales et localités encore dépourvues de connectivité, contribuant ainsi à réduire la fracture numérique qui persiste entre les régions et entre les citoyens ».

M. Salatou a souligné que la future stratégie permettra au Fonds d’accès universel de jouer pleinement son rôle dans le désenclavement numérique du pays. Codifié par le décret n° 2018 736 PRN du 19 octobre 2018, ce fonds est géré par l’Agence nationale pour la société de l’information (ANSI). Il est alimenté par les contributions des opérateurs télécoms titulaires d’une licence (2 % de leur chiffre d’affaires) et de ceux disposant d’une autorisation (1 %), ainsi que par les appuis des partenaires au développement, les dons et legs, les subventions publiques…

Le Niger mise également sur le projet Villages intelligents pour la croissance rurale et l’inclusion financière (PVI), mis en œuvre sur la période 2020–2026 avec un financement de 100 millions USD de la Banque mondiale. Le programme vise à assurer la connectivité numérique de 1,9 million de ruraux et à favoriser l’inclusion financière digitale. Il prévoit la couverture 3G/4G de 2175 localités, la connexion haut débit de 300 établissements scolaires et 340 centres de santé intégrés, ainsi que la construction de 150 centres numériques à travers le pays. Toutefois, la mise en œuvre du projet a connu un ralentissement en 2024, en raison du changement de gouvernance intervenu en 2023. Sa reprise a été discutée lors d’une rencontre entre les autorités nigériennes et la Banque mondiale en juin 2025.

Le pays a par ailleurs attribué une licence d’exploitation à la société américaine Starlink en novembre 2024, avant le lancement de ses services en mars 2025. Les autorités estiment que cette arrivée contribuera à améliorer la pénétration de l’Internet et des services mobiles grâce à la connectivité Internet par satellite. En parallèle, le Niger et les autres pays membres de l’Alliance des États du Sahel (AES) prévoient de déployer leurs propres satellites pour renforcer la couverture télécoms régionale.

Selon les données de l’Union internationale des télécommunications (UIT), la 3G et la 4G ne couvraient respectivement que 24 % et 17,5 % de la population en 2022. L’Autorité de régulation des communications électroniques et de la poste (ARCEP) indique qu’à fin mars 2025, la couverture géographique globale atteignait 32 %, bien que ce chiffre ait été affecté par l’absence de données de Niger Télécom. La couverture de la population s’établissait à 77 %, avec un taux de pénétration mobile de 59,73 % et d’Internet de 40 %. Fin 2023, l’UIT estimait le taux de pénétration Internet dans le pays à 23,2 %.

Isaac K. Kassouwi
Edité par Sèna D. B. de Sodji

Dix défis pour les Nations unies en 2025-2026

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Alors que la réunion annuelle de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies approche, l’organisation est confrontée à d’importants défis politiques et financiers. Toutefois, elle peut toujours recourir aux sanctions, aux opérations de maintien de la paix et à l’aide humanitaire pour répondre aux multiples crises.

Que se passe-t-il ?
Lors de la prochaine Assemblée générale des Nations unies (ONU), les dirigeants du monde vont trouver une organisation en proie à de profondes turbulences. Les coupes budgétaires américaines ont durement affecté l’ONU, la contraignant à réduire drastiquement ses effectifs. Impuissante à résoudre les conflits ou à porter assistance aux civils, de Gaza au Soudan, l’institution est en perte de vitesse.

En quoi est-ce significatif ? En dépit de ses nombreuses imperfections, l’ONU assume des missions humanitaires et de maintien de la paix que bien peu d’autres organisations sont en mesure d’entreprendre. Elle offre un filet de sécurité aux populations vulnérables dans de multiples zones de guerre, mais aussi un espace de dialogue entre les Etats sur des questions clivantes. Son déclin fragilise un rempart contre l’intensification de nombreux conflits armés.

Comment agir ? Si la réduction des ressources de l’ONU est inéluctable, ses Etats membres devraient s’attacher à en limiter les répercussions. Ils peuvent lui apporter un soutien politique, diplomatique et financier pour s’attaquer aussi bien aux crises médiatisées qu’à celles tombées dans l’oubli. Ils peuvent également œuvrer aux côtés des hauts responsables onusiens à la réforme de l’institution, afin de l’aider à surmonter les turbulences mondiales actuelles.

I. Synthèse

Lorsque les dirigeants arriveront à New York fin septembre pour la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies, ils découvriront une institution dont l’état est passé de préoccupant à critique. Les tensions entre grandes puissances paralysent la diplomatie au Conseil de sécurité depuis un certain temps, fragilisant le système onusien. Mais le retour de Donald Trump à la présidence des Etats-Unis, en janvier, a précipité l’organisation dans une crise plus profonde. Premier contributeur financier de l’ONU, Washington a réduit ou gelé d’importants versements au profit de l’organisation et de ses agences, vidant de leur substance les opérations d’aide humanitaire. Les Etats-Unis se sont également retirés d’une série d’accords multilatéraux, ont mené des initiatives de paix de façon unilatérale en dehors du cadre onusien et ont même semblé ignorer des principes fondamentaux de la Charte des Nations unies, comme le respect de l’intégrité territoriale des Etats. La communauté des Etats membres est désormais confrontée à des choix difficiles pour gérer les conséquences des décisions américaines, tant sur l’ONU elle-même que sur les multiples crises dans lesquelles elle intervient. Dans bien des cas, cette tâche se résumera à circonscrire les dommages, mais cette mission n’en demeurera pas moins indispensable.

Jusqu’à présent, les autres Etats membres n’ont apporté à l’organisation qu’un soutien timoré face aux ondes de choc provoquées par la Maison-Blanche. De nombreuses capitales, ainsi que leurs diplomates à New York et à Genève, partagent au moins en partie les critiques récurrentes de Washington, qui dénonce le surdimensionnement de l’ONU, et considèrent ses difficultés financières actuelles comme l’occasion d’un ajustement nécessaire. Le secrétaire général, António Guterres, se voit ainsi contraint de réduire la voilure de l’institution. Dans le cadre d’un processus de réforme baptisé « ONU80 », il a annoncé que le secrétariat des Nations unies allait renoncer à un cinquième de ses effectifs. Des agences d’aide humanitaire largement dépendantes des financements américains, comme le Programme alimentaire mondial, procèdent à des coupes encore plus sévères. Le moral du personnel onusien est au plus bas.

Les tourments de l’organisation ne sont pas seulement d’ordre budgétaire. L’ONU fait également face à des résistances politiques et à des menaces opérationnelles dans plusieurs zones de conflit. L’exemple le plus flagrant, et le plus souvent cité, est la tragédie de Gaza, où Israël, avec l’appui des Etats-Unis, a fait obstacle aux efforts d’aide humanitaire de l’ONU en accusant l’organisation de complicité avec le Hamas. Mais le phénomène s’étend bien au-delà. Au cours de l’année écoulée, pour ne citer que quelques exemples, les factions en guerre au Soudan ont entravé la diplomatie et l’action humanitaire onusiennes, tandis que des groupes rebelles en République démocratique du Congo (RDC) et au Soudan du Sud ont tué plusieurs Casques bleus. Parallèlement, les discussions au Conseil de sécurité sur le soutien à apporter à des pays en crise comme Haïti et la Somalie se sont enlisées, en partie en raison du manque d’engagement américain. L’ONU n’a pas davantage progressé sur la résolution des conflits majeurs – notamment au Soudan et au Myanmar – qui ont pourtant compté, par intermittence, parmi les priorités du Conseil ces dernières années. Dans certains cas, il s’est même avéré impossible d’acheminer une aide pourtant vitale aux populations les plus vulnérables.

Dans le chaos du monde, peu de débats de fond se tiennent à l’ONU sur l’avenir de l’institution.

Dans le chaos du monde, peu de débats de fond se tiennent à l’ONU sur l’avenir de l’institution. Les responsables de l’administration Trump ont appelé de leurs vœux un recentrage de l’ONU sur sa « vocation originelle » de maintien de la paix et de la sécurité. De nombreux diplomates occidentaux partagent cette position, estimant que l’organisation – qui a célébré son 80e anniversaire en juin 2025 – a pour mission fondamentale de garantir la stabilité internationale. Mais des représentants de pays non occidentaux craignent qu’un tel recentrage ne relègue au second plan les objectifs de développement économique. La plupart des diplomates et des hauts responsables internationaux conviennent que les débats, potentiellement acrimonieux, sur les choix stratégiques de l’organisation devront attendre l’entrée en fonction d’un nouveau secrétaire général en janvier 2027.

En attendant, les défis à relever et les opportunités à saisir ne manquent pas pour les Etats membres. Le malaise qui règne au sein de l’ONU est patent, mais il importe de rappeler que l’organisation demeure engagée dans de nombreux et importants processus de paix et opérations d’aide humanitaire. Il reste particulièrement difficile – voire impossible – pour d’autres acteurs de conduire des missions de secours aussi complexes. Le Conseil de sécurité demeure un cadre de concertation sans égal pour répondre à des événements inattendus, tels que la chute du président Bachar al-Assad en Syrie, mais aussi pour lancer des initiatives diplomatiques tant sur des dossiers très médiatisés – comme la reconnaissance de l’Etat de Palestine ou les sanctions contre l’Iran en lien avec la prolifération nucléaire – que sur des crises largement négligées, à l’instar de l’Afghanistan. Le système onusien traverse indéniablement une crise, mais il n’existe aucune alternative crédible pour assumer l’ensemble de ces responsabilités.

II. Bilan de l’année : les tendances de la diplomatie onusienne

L’ONU était déjà aux prises avec plusieurs défis avant que le président Trump n’entame son second mandat, le 20 janvier. L’administration Biden sortante avait tenté d’inciter le Conseil de sécurité à agir pour mettre fin à la guerre civile au Soudan et renforcer la sécurité en Haïti, mais la Chine et la Russie s’étaient refusées à soutenir de nouvelles initiatives sur ces dossiers. Les Etats-Unis continuaient par ailleurs d’entraver l’action de l’ONU concernant la guerre entre Israël et le Hamas. Hors du Conseil, le système onusien était confronté à des difficultés de trésorerie, en raison du retard pris par certains Etats membres, dont la Chine et les Etats-Unis, dans le paiement de leurs contributions. Les Etats membres comme les responsables de l’ONU s’attendaient à ce que, comme lors de son premier mandat, Donald Trump se montre peu enclin au multilatéralisme. Mais nul n’avait vraiment mesuré à quel point les relations avec les Etats-Unis allaient se détériorer.

A.Le choc Trump

L’administration Trump a remis en cause l’ONU et, plus largement, la coopération internationale à un point et à un rythme qui ont pris la plupart des observateurs de court. Que les Etats-Unis se retirent de l’accord de Paris sur le climat dès le premier jour de son mandat n’a surpris personne, pas plus que la décision, dans les mois qui ont suivi, de quitter une série d’instances onusiennes, telles que le Conseil des droits de l’homme et l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). En effet, des mesures similaires avaient déjà été prises au cours de son premier mandat. 

Mais rares étaient ceux, au sein de l’ONU, qui s’attendaient à la vague de coupes et de gels de l’aide américaine qui a déferlé sur l’organisation et ses agences fin janvier. L’onde de choc s’est initialement fait sentir à Genève et à Rome, où sont basées certaines des principales agences humanitaires des Nations unies. Le Programme alimentaire mondial (PAM), dont la moitié du budget de neuf milliards de dollars en 2024 provenait de Washington, et le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), qui recevait deux cinquièmes de son financement des Etats-Unis, ont vu ces ressources se réduire à peau de chagrin. Les agences ont rapidement fait savoir qu’elles seraient contraintes de licencier des milliers de collaborateurs. Les entités onusiennes œuvrant pour l’égalité de genre, notamment en luttant contre les violences sexuelles et sexistes, ont vite pris la mesure de la menace financière qui pesait sur elles, alors que les diplomates américains s’opposaient à l’usage du terme « genre » dans les documents onusiens et adoptaient une position plus critique sur la santé sexuelle et reproductive que la première administration Trump (voir Section III.8). Les Etats-Unis ont enfin provoqué la stupeur parmi les diplomates en dénonçant les Objectifs de développement durable (ODD), un ensemble d’engagements non contraignants qui encadrent depuis 2015 l’action de l’ONU pour éradiquer la pauvreté et promouvoir le développement.

Les Etats-Unis ont … appelé à supprimer plusieurs missions onusiennes, notamment la présence résiduelle au Kosovo.

L’attitude de l’administration Trump à l’égard du dispositif de maintien de la paix des Nations unies s’est révélée moins uniformément hostile, mais souvent défavorable. En début d’année, certains responsables onusiens, relativement optimistes, relevaient que le secrétaire d’Etat, Marco Rubio, insistait sur la nécessité pour l’ONU de concentrer ses efforts sur la paix et la sécurité. Au Conseil de sécurité, Washington a ainsi voté en faveur du renouvellement du mandat de certaines opérations de maintien de la paix existantes, comme celle du Soudan du Sud. Des membres de l’administration ont évoqué la nécessité de réformer les missions (en définissant par exemple des stratégies de sortie plus claires) plutôt que d’y mettre fin. Les Casques bleus n’ont toutefois pas été totalement épargnés. Les Etats-Unis ont ainsi appelé à supprimer plusieurs missions onusiennes, notamment la présence résiduelle au Kosovo. Durant l’été, ils ont insisté pour que la Force intérimaire des Nations unies au Liban, l’une des plus vastes et anciennes opérations de Casques bleus, cesse ses activités en 2027. En mai, l’administration a annoncé son intention de suspendre tout financement futur des opérations de maintien de la paix de l’ONU et, fin août, elle a décidé d’annuler des contributions pourtant déjà allouées par le Congrès pour 2024 et 2025.

Dans tous les cas, les responsables internationaux et les diplomates en poste à New York et à Genève peinent à cerner la position de Washington vis-à-vis de l’ONU, faute d’interlocuteurs américains de haut niveau. En mars, le président Trump a renoncé à nommer Elise Stefanik comme représentante permanente des Etats-Unis auprès de l’ONU, afin qu’elle puisse conserver son siège au Congrès (et préserver ainsi l’étroite majorité républicaine à la Chambre des représentants). La Maison-Blanche a fait savoir en mai que l’ancien conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz, qui avait quitté ses fonctions après quelques mois mouvementés, occuperait ce poste, mais la procédure s’est enlisée au fil des mois, et reste inaboutie à ce jour. Des équipes de diplomates maintenues en place ont continué à représenter les Etats-Unis dans les enceintes onusiennes. Les responsables de l’ONU comme les Etats membres sont ainsi restés dans l’incertitude quant à l’existence d’un plan à long terme de la part de l’administration Trump concernant la gestion de ses relations avec l’ONU, ou quant à la possibilité d’un rétablissement partiel des contributions financières américaines.

B.La réponse de l’ONU

Le secrétariat de l’ONU comme les autres Etats membres ont été pris de court par la rapidité avec laquelle les Etats-Unis ont resserré les cordons de la bourse. Les autres bailleurs de fonds traditionnels des opérations onusiennes, tels que les gouvernements européens, ont clairement indiqué qu’ils ne pouvaient combler le vide laissé par Washington. Si certains responsables internationaux espéraient que la Chine ou les pays du Golfe prendraient le relais, aucun acteur n’a remplacé les financements américains dans leur intégralité. Les diplomates et les responsables onusiens évoquent désormais la nécessité de « faire moins avec moins ».

Jusqu’à présent, les Etats membres ont en grande partie laissé au secrétaire général le soin de prendre des mesures d’austérité, au grand dam de ce dernier, qui aurait préféré, dit-on, consacrer ses dernières années de mandat à des priorités personnelles, comme la régulation internationale de l’intelligence artificielle. Il a toutefois annoncé, en mars, le lancement du processus de réforme « ONU80 », en référence au quatre-vingtième anniversaire de la Charte des Nations unies. Ce processus s’articule autour de trois volets : rechercher des économies immédiates, examiner la charge de mandats intergouvernementaux confiés à l’ONU et réfléchir à des réformes institutionnelles. A ce jour, le secrétaire général a surtout agi sur le premier volet, en déclarant en mai que l’ensemble du secrétariat allait devoir réduire ses effectifs de vingt pour cent en 2026, tout en confiant à des groupes de travail, chacun représentant un ensemble d’entités onusiennes, la tâche d’élaborer des pistes de restructuration à plus long terme.

Le secrétaire général a également rappelé qu’il n’avait pas autorité pour suggérer quelles activités l’ONU devrait poursuivre ou abandonner, s’en remettant aux Etats membres. Son équipe ayant recensé près de 4 000 mandats adoptés par les Etats membres et confiés au seul secrétariat, la perspective d’une réduction des ressources suscite une vive inquiétude parmi les diplomates en poste à New York. Les différents blocs d’Etats membres ont jusqu’ici évité les querelles publiques sur la manière de réorienter les ressources réduites de l’organisation. Alors que les responsables occidentaux plaident pour un « retour aux fondamentaux » (c’est-à-dire donner la priorité à la paix et à la sécurité), les représentants du « Sud global » insistent pour que l’ONU ne délaisse pas ses engagements en matière de développement. Les diplomates de tous bords s’accordent à dire que ces questions devront finir par faire l’objet d’un débat, mais chacun se satisfait de repousser des discussions qui s’annoncent épineuses.

C. Gestion de crises et diplomatie onusienne

Si la politique américaine a contraint les diplomates à dédier une grande partie de l’année aux questions financières et institutionnelles, ils ont également dû gérer les répercussions de crises concomitantes. Comme à la fin de l’année 2023 et tout au long de 2024, la guerre opposant Israël au Hamas à Gaza a dominé les discussions à New York. Pour de nombreux Etats membres, la stratégie délibérée d’Israël visant à écarter l’ONU tant des réponses politiques que des réponses humanitaires à cette guerre (voir la Section III.1 pour plus d’informations) a porté atteinte à la crédibilité de l’organisation, alors même que son engagement sur la question palestinienne remonte aux années 1940. Mais si les membres du Conseil de sécurité et de l’Assemblée générale ont tenté d’influer sur le cours des événements au Moyen-Orient, ils se sont dans le même temps heurtés à une série d’autres problèmes de plus en plus préoccupants.

Le Conseil de sécurité
Après une période marquée par la paralysie régulière du Conseil de sécurité en raison des différends entre grandes puissances – souvent selon des lignes de fracture Est-Ouest –, les relations entre la Chine, la Russie et les Etats-Unis ont, depuis le début de l’année 2025, fluctué de façon moins prévisible. Les Etats-Unis ont provoqué la consternation de leurs alliés européens au sein du Conseil en février lorsqu’ils ont, de manière relativement impromptue, présenté un projet de résolution « implorant » Moscou et Kiev de conclure rapidement un accord de paix, sans aucune mention de l’intégrité territoriale de l’Ukraine, bafouée par l’agression russe. Pour les diplomates, cette résolution, adoptée par dix voix pour malgré l’abstention des cinq membres européens, traduisait la possible volonté du président Trump de faire du Conseil un instrument de rapprochement plus large avec la Russie. 

En dépit de ces attentes initiales, les relations américano-russes au sein du Conseil n’ont pas connu de changements majeurs. Dans les mois qui ont suivi, les Etats-Unis ont cherché à renforcer la coopération sur le dossier syrien, allant jusqu’à rédiger avec la Russie une déclaration commune en mars sur la flambée de violences dans les régions côtières. Moscou, de son côté, a sensiblement atténué ses critiques quant au soutien américain à la campagne militaire israélienne à Gaza. Les représentants américains et russes se sont également montrés plus fermes dans leurs interactions avec les dix membres élus du Conseil sur les questions de procédure, une attitude parfois reprise par les autres membres permanents. Les deux puissances ont néanmoins continué de s’opposer sur d’autres dossiers, notamment le programme nucléaire nord-coréen.

En revanche, Washington n’a manifesté aucune volonté immédiate d’améliorer ses relations avec la Chine au sein du Conseil, s’employant plutôt à entraver les efforts de Pékin pour accroître son rôle diplomatique sur le dossier afghan. Les tensions entre les trois puissances ont culminé en juin lors des douze jours de guerre entre Israël et l’Iran, lorsque la Chine, la Russie et l’Algérie (titulaire du siège arabe du Conseil pour la période 2024-2025) ont fait circuler un projet de résolution condamnant non seulement les frappes israéliennes mais aussi les frappes américaines contre les installations nucléaires iraniennes. Bien qu’ils aient retiré ce texte dès que les hostilités ont cessé, celui-ci a mis en évidence la méfiance persistante entre les puissances dotées d’un droit de véto. Cette méfiance s’est encore accentuée avec le soutien apporté par les Etats-Unis à l’initiative du Royaume-Uni, de la France et de l’Allemagne pour réimposer les sanctions contre l’Iran qui avaient été suspendues dans le cadre du Plan d’action global commun de 2015 (voir Section III.9).

La diplomatie américaine au sein du Conseil a très souvent donné l’impression d’être à la dérive.

La diplomatie américaine au sein du Conseil a très souvent donné l’impression d’être à la dérive. Les diplomates américains ont fréquemment eu des difficultés à obtenir de Washington des instructions claires sur la manière de traiter certains dossiers – tels que les crises en Haïti et au Soudan – qui avaient constitué des priorités plus importantes (quoiqu’intermittentes) sous la présidence de Joe Biden. Il est toutefois arrivé que Washington manifeste de l’intérêt pour un point ou un autre à l’ordre du jour du Conseil. En avril et en mai, les Etats-Unis ont vivement poussé le Conseil à renouveler le mandat de la force de maintien de la paix des Nations unies au Soudan du Sud, à un moment où la guerre civile semblait sur le point de recommencer dans le pays. En d’autres occasions, la position américaine a été moins favorable aux efforts de paix de l’ONU. En mai, Washington a refusé de s’associer à une proposition – approuvée sans enthousiasme par l’administration Biden en décembre 2024 – visant à utiliser les contributions obligatoires pour financer la mission de stabilisation de l’Union africaine (UA) en Somalie. Ce revirement a compromis l’initiative engagée par l’UA depuis 2007 pour garantir un soutien plus pérenne des Nations unies à ses opérations sur le terrain. 

Même si l’implication américaine dans les affaires du Conseil reste intermittente, la crainte de heurts avec Washington a incité les autres membres à la prudence, comme l’illustre la question de Gaza. Après les atrocités commises par le Hamas le 7 octobre 2023, les membres du Conseil ont régulièrement tenté de faire pression sur Israël et sur les Etats-Unis pour obtenir un cessez-le-feu, en soumettant des projets de résolution, bien que nombre d’entre eux aient été bloqués par l’administration Biden. En revanche, durant le premier semestre 2025, les membres du Conseil se sont montrés plus réservés, alors même qu’Israël intensifiait le siège de Gaza, ne présentant de résolution de cessez-le-feu qu’en juin. Cette réserve traduisait apparemment leur crainte – partagée par la mission palestinienne auprès de l’ONU – qu’une confrontation ouverte ne pousse l’administration Trump à manifester bruyamment son mécontentement. En définitive, les Etats-Unis se sont contentés d’opposer leur véto à la résolution de juin avant de passer rapidement à autre chose.

L’Assemblée générale 
Les conflits en Ukraine et à Gaza sont aussi restés au cœur de l’agenda de l’Assemblée générale. Cette dernière a continué de dénoncer la guerre menée par la Russie en Ukraine, même si certains membres ont fait preuve d’une plus grande réticence. En février, l’Assemblée a soutenu une résolution présentée par Kiev et l’Union européenne (UE), mais contestée par les Etats-Unis, marquant le troisième anniversaire de l’agression à grande échelle de la Russie et réaffirmant les droits souverains de l’Ukraine sur son territoire. Ce texte n’a toutefois recueilli que 93 voix favorables, contre 141 pour une résolution similaire en février 2023. Ce recul s’explique en partie par le lobbying américain, mais aussi par la tendance de certains membres de l’ONU – notamment ceux déçus par la position des pays occidentaux sur Gaza – à se désengager des discussions relatives à l’Ukraine. 

L’Assemblée a voté une résolution appelant à un cessez-le-feu à Gaza, après le véto exercé par les Etats-Unis à un texte similaire au Conseil de sécurité en juin. Mais l’initiative la plus marquante de l’ONU sur le conflit israélo-palestinien a été la tenue, en juillet, d’une conférence de haut niveau consacrée à la solution à deux Etats. Beaucoup de diplomates s’attendaient à ce que cet événement, convoqué par l’Assemblée en 2024, n’ait qu’un impact limité. Il a au contraire catalysé la frustration internationale face à la campagne israélienne à Gaza. A cette occasion, la France – suivie par le Royaume-Uni, le Canada et Malte – a annoncé son intention de reconnaitre bilatéralement l’Etat de Palestine, et un certain nombre d’autres Etats membres ont laissé entendre qu’ils pourraient en faire de même. Bien que l’administration Trump se soit activement opposée à cette reconnaissance et qu’Israël ait dénoncé la conférence comme une légitimation des atrocités commises par le Hamas, cet épisode a rappelé que l’ONU peut encore, dans certaines circonstances, offrir aux Etats membres une tribune unique pour défendre des positions de principe (voir Section III.1).

D. Réduction des ressources, réformes et nouveau dirigeant

Les perspectives de l’ONU pour l’année à venir apparaissent des plus sombres. La réduction des ressources sera le mot d’ordre : le secrétariat et diverses agences poursuivront les coupes budgétaires, tandis que de nombreuses entités de l’ONU diminueront leur présence mondiale. Le coût humain de ce que le Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (OCHA) appelle « l’hyper-priorisation » des efforts d’aide dans de nombreux contextes de conflit sera considérable. Les responsables humanitaires de l’ONU avertissent que ces réductions pourraient avoir un effet déstabilisateur sur les pays bénéficiaires. Si le lien entre la distribution d’aide et les niveaux de violence fait débat, il ne fait guère de doute que les difficultés actuelles de l’ONU plongeront de nombreuses personnes vulnérables dans la détresse.

Ces difficultés nourriront aussi les discussions sur la nécessité de réformes plus ambitieuses, au-delà des ajustements immédiats. Certaines porteront sur l’amélioration des instruments de paix et de sécurité de l’organisation. Les diplomates réfléchissent déjà à la manière dont l’ONU pourrait améliorer ses activités de consolidation de la paix – notamment en identifiant de nouvelles sources de financement, éventuellement auprès des institutions financières internationales – et le secrétariat passe en revue les opérations de maintien de la paix, en particulier les missions dites « agiles ». Mais des Etats membres comme l’Inde ne manqueront pas de rappeler que l’ONU a aussi besoin de réformes politiques de fond, à commencer par une refonte du Conseil de sécurité. Ils risquent d’être déçus, l’administration Trump n’ayant montré que très peu d’intérêt pour ces questions et ayant indiqué à certains autres membres de l’ONU qu’elle souhaitait maintenir le Conseil dans sa configuration actuelle.

Le processus de désignation d’un nouveau secrétaire général ne manquera pas de nourrir les débats sur l’état de l’ONU

Le processus de désignation d’un nouveau secrétaire général ne manquera pas de nourrir les débats sur l’état de l’ONU. Avant la réélection du président Trump, l’opinion largement partagée à New York était que le prochain secrétaire général devrait être une femme – le poste n’ayant jusqu’ici été confié qu’à des hommes – et qu’une attention particulière devrait être accordée aux enjeux de développement et de climat. Selon une pratique informelle et non contraignante des Nations unies, ce serait également au « tour » de l’Amérique latine de remplir la fonction. Comme Crisis Group le relevait déjà l’an dernier, il importe aussi de trouver un candidat disposé et capable de jouer un plus grand rôle en matière de médiation internationale que ne l’a fait António Guterres – un dirigeant prudent opérant dans un contexte politique particulièrement défavorable.

Depuis, le changement d’administration aux Etats-Unis a bouleversé une partie de ces projets, plusieurs diplomates estimant que Washington insistera pour qu’un homme soit nommé secrétaire général dans le but de contrarier les milieux libéraux, aux Etats-Unis comme à l’étranger. Il est également acquis que, quel que soit leur genre, les candidats devront afficher des positions fortes sur la réduction des coûts et les réformes qui y sont associées. Si plusieurs personnalités se sont déjà déclarées candidates cette année – le directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, ayant retenu le plus l’attention, tandis que d’autres intensifient leur campagne –, le processus de sélection pourrait se prolonger jusqu’à la fin de l’année 2026. Tous les candidats publieront un manifeste et participeront à des auditions publiques organisées par les Etats membres, la société civile et la presse au cours des six premiers mois de 2026. Ce sera l’occasion pour toutes les parties d’exposer leur vision des réformes que l’ONU doit entreprendre.

III.Dix défis pour les Nations unies

Malgré les incertitudes qui pèsent sur son avenir, l’ONU peut encore jouer un rôle majeur dans un grand nombre de pays en crise. Ses modalités d’action varient toutefois selon les contextes. La présente liste de défis recense des pays, des conflits et des domaines d’intervention où l’organisation se heurte à des difficultés notables ou dispose au contraire d’opportunités dans l’année à venir. Cette liste est forcément incomplète et exclut de nombreuses situations déjà analysées par Crisis Group dans d’autres publications. Les thèmes retenus illustrent néanmoins différentes dimensions de l’action onusienne, et donnent un aperçu des responsabilités qui demeurent les siennes, notamment l’aide humanitaire, le maintien et l’imposition de la paix, et la mise en place de régimes de sanctions.

Le choix de ces thèmes souligne aussi la difficulté à définir les priorités que l’ONU devrait poursuivre ou abandonner au cours des prochains mois. Dans certains cas, les recommandations que nous formulons pour répondre à ces défis seraient globalement neutres pour l’ONU sur le plan budgétaire. Dans d’autres, nous soulignons les raisons qui devraient inciter l’organisation mondiale et ses membres à mobiliser des ressources supplémentaires, malgré le contexte actuel de restrictions budgétaires drastiques, afin de traiter certains problèmes spécifiques. Cela pose la question des arbitrages nécessaires : si l’ONU consacre davantage de financements aux situations que nous mettons ici en avant, d’autres en pâtiront. Les lecteurs ne doivent pas en déduire que les pays ou les crises qui ne sont pas mentionnés dans ce document méritent moins de soutien. Il convient plutôt de reconnaitre que l’ONU peine déjà à réunir les moyens nécessaires pour agir sur les dossiers figurant dans cette analyse, et que, dans le climat financier actuel, ses Etats membres et ses responsables seront confrontés à des choix difficiles quant à la répartition des ressources, tant entre qu’au sein même des multiples crises qui requièrent une attention urgente.

1. Préserver l’action de l’ONU en faveur de la Palestine

L’ONU a été directement prise pour cible dans la guerre qu’Israël mène depuis près de deux ans contre le Hamas à Gaza. Les droits humains fondamentaux des Palestiniens, les services destinés aux réfugiés palestiniens dans les territoires occupés et la perspective diplomatique d’une solution à deux Etats – tant de choses qu’Israël a mis à mal au cours de sa campagne – reposaient sur un cadre juridique et humanitaire dont l’ONU était le garant. Ce cadre est désormais profondément fragilisé. Malgré les pressions, Israël a poursuivi son offensive et maintenu le siège de Gaza, entrainant une catastrophe humanitaire. Les Etats-Unis ont soutenu Israël sans réserve, mettant leur véto à six résolutions du Conseil de sécurité appelant à un cessez-le-feu à Gaza depuis le 7 octobre 2023. Bien que l’ONU n’ait pas été à l’avant-garde des efforts diplomatiques pour mettre fin aux combats, toute discussion sur le renforcement de l’aide humanitaire ou sur l’avenir politique de la Palestine doit nécessairement l’inclure.

La faim, causée par le blocus draconien imposé par Israël sur l’acheminement de l’aide humanitaire, frappe les Palestiniens de Gaza. En août, l’Integrated Food Security Phase Classification (IPC), organisme associé à l’ONU chargé de ce type d’évaluations, a déclaré l’existence d’une famine dans certaines zones de la bande, tandis que des conditions proches de la famine sévissaient depuis des mois dans une grande partie du territoire. La décision d’Israël de perturber les dispositifs d’aide de l’ONU et de leur substituer, fin mai, la Gaza Humanitarian Foundation, soutenue par les Etats-Unis, a rendu la distribution alimentaire aléatoire, chaotique et trop souvent mortelle. L’ONU demeure la seule organisation disposant des capacités et de l’expérience nécessaires pour apporter l’aide de grande ampleur dont Gaza a besoin.

L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), pierre angulaire de l’assistance internationale à Gaza, traverse une crise existentielle. Créée en 1949 pour venir en aide aux réfugiés palestiniens à travers le Moyen-Orient, l’agence est désormais dans la ligne de mire d’Israël. Depuis octobre 2023, environ 360 employés de l’UNRWA ont été tués et plus de 300 installations de l’ONU ont été détruites, « presque entièrement du fait des opérations militaires israéliennes ». Assimilant l’agence au Hamas, Israël a recouru à sa législation nationale et à des campagnes de diffamation pour entraver son action. De nombreux pays – ainsi que les Palestiniens eux-mêmes – espèrent encore sauver l’agence, alors même qu’Israël et les Etats-Unis s’emploient activement à la supprimer.

Tant qu’Israël refusera aux Palestiniens la capacité d’administrer leurs propres affaires, le maintien de l’UNRWA restera indispensable.

Un rapport des Nations unies publié en juillet propose une feuille de route pour rendre l’UNRWA plus viable, tant au niveau financier qu’opérationnel. Il envisage de transférer la responsabilité de la plupart des services actuellement fournis par l’UNRWA (tels que l’éducation et la santé) aux gouvernements accueillant des réfugiés – la Jordanie, le Liban et la Syrie – puis, à terme, à un Etat palestinien, tandis qu’une version allégée de l’agence onusienne continuerait de garantir la protection des réfugiés palestiniens. Mais une telle réforme ne pourra se concrétiser qu’à l’issue d’un débat sur l’avenir politique de la Palestine, et supposerait la conclusion d’un accord de paix avec Israël. Tant qu’Israël refusera aux Palestiniens la capacité d’administrer leurs propres affaires, le maintien de l’UNRWA restera indispensable.

La conférence sur la solution à deux Etats, organisée en juillet par la France et l’Arabie saoudite, a montré que l’ONU a encore un rôle à jouer pour soutenir les efforts diplomatiques. Sept Etats ont annoncé leur intention de reconnaître l’Etat de Palestine en septembre, rejoignant les huit qui l’ont fait depuis octobre 2023. Au total, 145 Etats membres de l’ONU reconnaissent actuellement la Palestine comme Etat. D’autres pourraient en faire autant à l’approche de la semaine de haut niveau de l’Assemblée générale des Nations unies.

Les Etats membres peuvent s’appuyer sur cette nouvelle dynamique. Premièrement, l’Assemblée générale peut servir de plateforme pour recueillir des engagements concrets à faire pression sur Israël afin de pousser le gouvernement à desserrer son étau sur les Palestiniens. Une résolution de l’Assemblée générale adoptée en septembre 2024, s’appuyant sur l’avis consultatif rendu en juillet 2024 par la Cour internationale de Justice, qui a jugé l’occupation israélienne illégale, énonce les obligations juridiques sur lesquelles les Etats membres peuvent agir : s’abstenir de conclure des traités ou accords commerciaux, suspendre l’assistance militaire, sanctionner des individus et éviter que des entreprises se rendent complices d’activités israéliennes illégales dans les territoires occupés.

Deuxièmement, malgré l’obstruction exercée par Washington au Conseil de sécurité, l’Assemblée générale peut offrir une tribune aux Etats désireux de jeter les bases de la reconstruction de la Palestine et du renforcement de ses institutions. Le plan de la Ligue arabe pour Gaza présenté en mars – salué par l’Assemblée générale dans sa résolution de juin et soutenu par l’UE, l’Organisation de la coopération islamique, la Chine et d’autres pays – pourrait constituer un bon point de départ.

A ce stade, les membres de la Ligue arabe n’ont pas encore mis en place le comité de direction ni le fonds fiduciaire pour la reconstruction prévus par le plan. Mais les pays arabes pourraient travailler avec leurs homologues à l’Assemblée générale, en particulier avec les Etats européens, pour établir ces structures au sein de l’ONU, ce qui leur conférerait une plus grande légitimité politique et les inscrirait dans un cadre formel. A moyen terme, le comité de direction pourrait devenir l’instance de référence de la communauté internationale pour la mise en œuvre des dispositions essentielles du plan.

Si l’ONU ne peut changer les choses sur le terrain sans une inflexion majeure de la politique américaine, elle demeure l’endroit idéal pour faire émerger un consensus mondial sur la nécessité de préserver l’avenir de la Palestine.

2. Intensifier la diplomatie humanitaire pour le Soudan

Les efforts de l’ONU pour rétablir la paix au Soudan peinent à se concrétiser, plus de deux ans après le début de la guerre civile, en avril 2023. Le secrétaire général de l’ONU, António Guterres, a nommé en novembre 2023 un envoyé personnel dans le pays, Ramtane Lamamra, mais celui-ci n’est pas parvenu à maintenir des pourparlers indirects entre l’armée soudanaise et les Forces de soutien rapide (FSR), les principaux belligérants. Les tentatives de Ramtane Lamamra et d’autres acteurs visant à trouver des synergies entre les diverses initiatives diplomatiques (pour la plupart enlisées) lancées par plusieurs pays occidentaux, arabes et africains n’ont pas été plus productives. Faute d’espoir tangible pour ses initiatives de médiation, l’ONU devrait concentrer sa diplomatie sur la gestion de la plus grave crise humanitaire au monde.

Depuis plus de deux ans, des combats incessants ravagent une grande partie du Soudan. L’ONU estime que près de 30 millions de personnes ont besoin d’une assistance internationale, tandis qu’un cinquième de la population d’avant-guerre a été déplacée du fait du conflit. L’armée comme les FSR sont accusées de graves violations des droits humains contre les civils, y compris de violence sexuelle. Depuis que l’armée a repris la capitale, Khartoum, en mars, l’épicentre du conflit s’est déplacé vers l’ouest, dans les régions du Darfour et du Kordofan. Quelques mois auparavant, en décembre 2024, l’IPC avait déjà établi que certaines parties de ces zones étaient en train de basculer dans la famine, et leur situation n’a fait qu’empirer depuis.

La communauté internationale est restée largement indifférente à cette catastrophe. Les appels à la désescalade et aux cessez-le-feu, y compris ceux du Conseil de sécurité et du secrétaire général de l’ONU, António Guterres, sont restés lettre morte. En l’absence de pression internationale coordonnée, il est peu probable que l’armée et les FSR s’engagent dans des négociations sérieuses. Une telle pression fait encore défaut, en partie parce que les puissances régionales les plus influentes – l’Egypte et l’Arabie saoudite sur l’armée, les Emirats arabes unis sur les FSR – sont en désaccord sur la manière de mettre fin à la guerre. Les Etats-Unis, qui entretiennent de bonnes relations avec ces trois Etats arabes, tentent de les amener à s’entendre sur les modalités d’un cessez-le-feu, mais ces efforts n’ont pas encore abouti. 

Faute de pression diplomatique concertée, les belligérants [soudanais] ont instrumentalisé la crise humanitaire à leur avantage.

Faute de pression diplomatique concertée, les belligérants ont instrumentalisé la crise humanitaire à leur avantage. Port-Soudan – où l’armée a transféré le siège du gouvernement reconnu par l’ONU – invoque régulièrement la souveraineté de l’Etat pour restreindre l’acheminement de l’aide vers les zones tenues par les FSR, même si elle a récemment autorisé un accès humanitaire limité via Adré, une ville située dans l’est du Tchad, près de la frontière soudanaise. De leur côté, les dirigeants des FSR rejettent toute initiative internationale qui ne les place pas sur un pied d’égalité politique avec les généraux de l’armée. La dernière tentative de l’ONU, fin juin, pour instaurer un cessez-le-feu humanitaire de sept jours a échoué en raison de ces tensions. 

Sortir de l’impasse dans laquelle les deux parties au conflit sont engluées ne sera pas chose aisée. L’ONU devrait poursuivre ses efforts, mais, que les combats continuent ou pas, elle est probablement l’institution la mieux placée pour coordonner la réponse humanitaire internationale. Le secrétaire général, António Guterres, pourrait, dans un premier temps, travailler en étroite collaboration avec des pays influents comme la France, l’Allemagne, la Suisse et le Royaume-Uni afin d’attirer l’attention sur la crise humanitaire. Il devrait également inciter les bailleurs de fonds à accroître leurs engagements, alors que le plan de réponse humanitaire de l’ONU pour le Soudan n’est actuellement financé qu’à hauteur de 22 pour cent. Dans un contexte de coupes massives dans l’aide humanitaire, à Washington et ailleurs dans le monde, il lui faudra néanmoins mobiliser toute sa force de persuasion pour y parvenir.

Une réponse renforcée de l’ONU exigera également une coordination interne plus efficace. En particulier, l’organisation devrait mieux synchroniser la diplomatie de haut niveau avec les besoins opérationnels des agences humanitaires qui sont en première ligne, comme OCHA et le PAM. En juin, alors qu’António Guterres s’efforçait d’obtenir un cessez-le-feu humanitaire de sept jours, les agences humanitaires n’étaient pas certaines, en cas de succès, de pouvoir fournir en si peu de temps – et sans mobilisation préalable – le niveau d’assistance nécessaire. Les différentes composantes du système onusien devront travailler ensemble de manière plus fluide afin que l’aide puisse être acheminée rapidement là où elle est requise, si une nouvelle fenêtre d’opportunité devait s’ouvrir. 

Alors que les belligérants mettent en place des gouvernements parallèles et qu’aucun consensus n’émerge au niveau international sur une éventuelle sortie de crise, la guerre au Soudan pourrait se prolonger indéfiniment. Tout en se tenant prête à participer de nouveau à des négociations si l’occasion se présente, l’ONU devrait dès à présent œuvrer pour améliorer la réponse humanitaire afin que l’aide parvienne à une population soudanaise en grande détresse. 

3. Repenser l’approche de l’ONU sur le dossier syrien

Depuis la chute du président Bachar al-Assad en décembre 2024, l’ONU réévalue prudemment son engagement en Syrie. Après des années de querelles entre les pays occidentaux, qui critiquaient le régime déchu, et la Russie, qui le soutenait, les membres du Conseil de sécurité réfléchissent désormais à la manière d’accompagner le pays dans sa transition post-Assad. Le président Ahmed al-Charaa presse l’ONU de lever les sanctions imposées contre les responsables du gouvernement de transition lorsqu’ils combattaient Bachar al-Assad. Le Conseil reste divisé sur cette question, mais il devrait résoudre ces divergences au plus vite. Il ne dispose sans doute que d’une fenêtre étroite pour démontrer que l’ONU peut être un partenaire utile alors que la Syrie émerge de la guerre et de l’autoritarisme.

La principale pierre d’achoppement réside dans le maintien sur une liste de sanctions de l’ONU des nouveaux dirigeants de la Syrie – qui appartenaient auparavant au groupe islamiste Hayat Tahrir al-Cham (HTC), désormais dissous – en raison de leurs liens passés avec al-Qaeda et l’Etat islamique. Bien qu’un rapport onusien ait relevé en juillet « l’absence de liens actifs » entre al-Qaeda et le HTC, le groupe, Ahmed al-Charaa et le ministre de l’Intérieur Anas Khattab restent sous sanctions, alors même que les Etats-Unis et l’UE ont levé leurs propres mesures. Ces sanctions dissuadent les agences humanitaires et les institutions financières internationales de collaborer avec Damas, compromettant ainsi les perspectives de reprise économique du pays. 

En juin, les Etats-Unis ont fait circuler un projet de résolution du Conseil de sécurité proposant de retirer de la liste de sanctions le HTC, Ahmed al-Charaa et Anas Khattab, et d’instaurer des dérogations au régime de sanctions pour faciliter les transactions à des fins gouvernementales et les activités de l’AIEA, de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et des groupes de déminage. Si la plupart des membres du Conseil soutiennent ces mesures, certains plaident pour une approche plus graduelle, conditionnant la levée des sanctions au respect de critères précis. La Chine s’inquiète du rôle des combattants ouïghours, notamment ceux issus du Parti islamique du Turkestan (une faction qui avait combattu le régime de Bachar al-Assad aux côtés de l’ex-HTC), qui sont en train d’être intégrés à la nouvelle armée syrienne. La Russie, pour sa part, est sceptique quant à une levée rapide des sanctions visant les membres du HTC, en raison de la présence dans ses rangs de combattants d’Asie centrale et de Tchétchénie (quoique dans de bien moindres proportions que les Ouïghours). La France, elle aussi, hésite à procéder trop vite à une levée des sanctions, de crainte de voir s’éroder un levier important dont dispose encore le Conseil pour peser sur Damas.

Conscients de ces préoccupations, les Etats-Unis ont retiré du projet de résolution leur proposition de lever les sanctions visant le HTC. Mais les autorités de transition et la direction de l’ONU pressent le Conseil de trouver rapidement un accord sur cette question. Faute de consensus pour lever toutes les sanctions, les membres du Conseil pourraient envisager un allègement progressif.

Parallèlement, le secrétariat de l’ONU a commencé à se pencher sur les moyens d’apporter un soutien plus direct à la transition politique syrienne. Les autorités de transition étaient initialement réticentes à traiter avec l’envoyé spécial de l’ONU, estimant que certaines composantes de l’organisation s’étaient montrées trop conciliantes avec le régime déchu. Mais elles sont désormais ouvertes à coopérer avec l’ONU, encouragées en cela par les pays de la région, qui ont fait valoir la légitimité que cet engagement leur confère face aux immenses défis de la reconstruction de l’Etat syrien. Une équipe des Nations unies a passé une grande partie du printemps à mener des consultations avec divers représentants de la société syrienne sur la voie à suivre. De nouvelles discussions entre l’ONU, les autorités de transition et le Conseil de sécurité devraient avoir lieu vers la fin de l’année.

[Le transfert du bureau de l’envoyé spécial de Genève à Damas] renforcerait la crédibilité de l’ONU et son accès au gouvernement syrien comme à la population en général.

Dans l’intervalle, le secrétaire général, António Guterres, peut prendre plusieurs initiatives. Beaucoup s’attendent à ce qu’il transfère le bureau de l’envoyé spécial de Genève – où il est basé depuis 2012 – à Damas. Une telle décision renforcerait la crédibilité de l’ONU et son accès au gouvernement syrien comme à la population en général. Des changements plus importants – comme la transformation du bureau de l’envoyé spécial en une mission politique à part entière – nécessiteraient un nouveau mandat du Conseil de sécurité. Les membres du Conseil devraient travailler en étroite concertation avec les autorités de transition pour définir le mandat d’une nouvelle mission qui fournirait des conseils techniques sur la transition, la gouvernance et d’autres questions majeures. 

Une telle mission pourrait soutenir les efforts entrepris par le gouvernement en faveur de la cohésion nationale. En particulier, l’ONU pourrait aider les autorités de transition à combler le fossé qui s’est creusé entre leurs initiatives visant à consolider le contrôle de l’Etat et les revendications de protection et d’inclusion des minorités ethniques et religieuses. Ce clivage s’est accentué à la suite d’une vague de violence dans des zones où les minorités sont particulièrement présentes, le long de la côte syrienne et dans le gouvernorat de Soueida. De même, une nouvelle mission onusienne pourrait contribuer à relayer les préoccupations des organisations de la société civile qui demandent une représentation et une participation accrues des femmes dans les nouvelles structures politiques de la Syrie. 

Le Conseil de sécurité doit désormais prendre des décisions concernant son engagement auprès de Damas, dont la bonne volonté pourrait n’être qu’éphémère. Après avoir déçu les attentes des Syriens pendant plus d’une décennie, l’ONU ne doit pas laisser passer l’occasion qui s’offre aujourd’hui à elle.

4. Redonner un élan à l’aide internationale à Haïti

Il y a un an, les membres du Conseil de sécurité espéraient que l’arrivée de la Mission multinationale d’appui à la sécurité (MMAS) aiderait les autorités haïtiennes à juguler la violence des gangs. Or, la situation sécuritaire n’a cessé de se dégrader depuis le déploiement, en juin 2024, de la mission conduite par le Kenya. Les gangs armés sévissent aujourd’hui dans environ 90 pour cent de la capitale, Port-au-Prince, et contrôlent les principales routes économiques vers le nord, le sud et l’est du pays. Ils mènent régulièrement des attaques coordonnées, aussi bien contre les forces de l’ordre haïtiennes que contre le personnel de la MMAS. Alors que le mandat du gouvernement de transition haïtien arrivera à échéance en février 2026, la stabilité demeure hors de portée.

Aujourd’hui, l’avenir de la MMAS est incertain. Jusqu’à très récemment, le gouvernement haïtien et ses partenaires s’attelaient à obtenir des troupes supplémentaires et les financements nécessaires pour que la mission puisse fonctionner en 2026. Mais fin août, les Etats-Unis ont surpris les diplomates onusiens en proposant de transformer la MMAS en une « Gang-Suppression Force » (GSF, littéralement « force de suppression des gangs »), autorisée par le Conseil de sécurité de l’ONU mais dirigée et supervisée par un groupe de pays de la région – les Etats-Unis, le Canada, le Salvador, le Guatemala, la Jamaïque et les Bahamas, en plus du Kenya – et financée en partie par un dispositif de soutien logistique de l’ONU.

Il s’agit d’un revirement radical, les Etats-Unis ayant été les principaux promoteurs de la MMAS. Les administrations Biden et Trump ont contribué à hauteur de plus de 800 millions de dollars à son lancement et à ses opérations depuis octobre 2023. Au second semestre 2024, face à la réticence croissante du Congrès à maintenir ce soutien, les diplomates américains ont cherché à transformer la mission en une opération de maintien de la paix de l’ONU. Leurs appels adressés au Conseil de sécurité et au secrétariat sont toutefois restés lettre morte, la perspective d’un déploiement de Casques bleus dans des zones de combat actif suscitant un profond scepticisme. Le secrétaire général, António Guterres, a plutôt recommandé que le Conseil renforce la MMAS à l’aide d’un dispositif logistique combinant appui opérationnel, matériel et administratif, coordonné par un nouveau bureau onusien en Haïti et financé sur le budget consacré par l’institution au maintien de la paix.

La proposition américaine envisage le déploiement de plus de 5 500 soldats pour mener des opérations armées contre les gangs [en Haïti]

De retour au pouvoir, le président Donald Trump a adopté une nouvelle approche vis-à-vis d’Haïti, insistant d’abord sur la nécessité d’imposer des sanctions contre les gangs et sur un partage du fardeau via l’Organisation des Etats américains (OEA). Après des mois de discussions au Conseil de sécurité, Washington a fait circuler le mois dernier un projet de résolution de nature à bouleverser l’assistance internationale en matière de sécurité à Haïti. La proposition américaine envisage le déploiement de plus de 5 500 soldats pour mener des opérations armées contre les gangs, à la fois de manière indépendante et aux côtés de la police haïtienne. Avec cette proposition, Washington reconnait clairement que l’ampleur des défis sécuritaires en Haïti dépasse largement ce que la MMAS peut offrir. Toutefois, elle se heurtera probablement au scepticisme des membres du Conseil quant à sa viabilité, et à l’opposition de la Russie et de la Chine, qui se sont prononcées contre les interventions internationales dans le pays. 

Même si Washington parvient à obtenir l’aval du Conseil, les diplomates devront clarifier des points essentiels pour donner à cette opération une chance de réussir. La GSF ne serait pas une mission dirigée par l’ONU, mais des mécanismes devraient être prévus dès sa conception pour garantir à l’ONU une supervision de la force et pour que celle-ci soit tenue de rendre des comptes. Des canaux de coordination solides entre les autorités haïtiennes, l’ONU et la nouvelle force seront aussi nécessaires. Les membres du Conseil devront par ailleurs avoir une idée précise des pays prêts à contribuer financièrement à la mission avant d’approuver son mandat, car la dépendance de la GSF aux contributions volontaires pour le paiement des indemnités des troupes pourrait entraver ses opérations – comme ce fut le cas pour la MMAS. Les dirigeants politiques haïtiens et la société civile devront enfin jouer un rôle central dans la mise en place de toute nouvelle force, au regard de la méfiance suscitée par les interventions internationales menées par d’anciennes puissances coloniales.

Alors que les diplomates se concentrent sur l’avenir de la MMAS, le Bureau intégré des Nations unies en Haïti (BINUH) peut contribuer de manière déterminante à maintenir l’attention internationale sur la transition politique du pays. Un référendum constitutionnel et des élections doivent se tenir d’ici à février 2026, malgré l’insécurité généralisée et les divisions au sein de l’élite haïtienne. L’ONU est restée en marge des débats politiques nationaux depuis l’entrée en fonction des autorités de transition en avril 2024. Mais, alors que l’ONU procède à un examen interne de la mission, le nouveau chef du BINUH pourrait promouvoir une nouvelle orientation.

Avant tout, le BINUH devrait s’attacher à atténuer la vive polarisation qui caractérise la vie politique haïtienne, afin que le pays puisse mettre en place une stratégie de sécurité cohérente. Le Bureau devrait également renforcer ses relations avec le Groupe de personnalités éminentes de la Communauté caribéenne et avec le secrétaire général de l’OEA, de manière à ce que les trois institutions multilatérales puissent adresser des messages communs et mutualiser leurs ressources.

Les Haïtiens ont besoin de sécurité et d’un gouvernement efficace pour rompre le cycle de violences meurtrières qui frappe leur pays. En dépit de ses limites actuelles, l’ONU demeure l’une des rares institutions disposant de la capacité diplomatique et du savoir-faire opérationnel nécessaires pour soutenir cet effort. L’organisation et ses Etats membres devraient redonner de toute urgence un élan à l’aide internationale qui est aujourd’hui au bord de l’asphyxie.

5. Réviser le régime de sanctions contre les talibans afghans

Depuis la prise de Kaboul par les talibans en 2021, le Conseil de sécurité et l’ensemble du système onusien peinent à définir leur approche vis-à-vis de ceux qui sont de facto au pouvoir en Afghanistan. Dans un premier temps, les membres du Conseil s’étaient accordés sur la nécessité de ne pas reconnaitre les talibans, afin de les isoler. Cette position ne fait plus consensus aujourd’hui. Une analyse commandée par le Conseil en 2023 a proposé une voie vers la reconnaissance et l’allègement des sanctions, en échange d’engagements de la part du régime à respecter les droits des femmes et d’autres obligations internationales. Mais les discussions menées à Doha entre les talibans et l’ONU ont peu progressé, et de nombreux Etats membres considèrent toujours les talibans comme des parias en raison des restrictions draconiennes qu’ils imposent aux droits des femmes et des filles. D’autres, notamment la Chine et la Russie, ont établi des relations diplomatiques avec Kaboul. En juillet, la Russie est devenue le premier pays à reconnaitre les autorités talibanes.

Malgré ces divergences, le Conseil pourrait tenter d’ajuster le régime de sanctions de l’ONU contre les talibans – qui comprend un embargo sur les armes, des interdictions de voyager et des gels d’avoirs visant des individus et des entités associés au groupe – afin de les inciter à modifier, même à la marge, leur comportement. Le régime de sanctions n’a pas été actualisé depuis dix ans. La résolution 2255, adoptée en 2015, contient de nombreuses dispositions anachroniques, dont une qui exhorte les Etats membres à consulter les bureaux de l’ancien gouvernement afghan, disparu depuis plus de quatre ans. Tout soutien apporté aux « actes et activités » du groupe expose aujourd’hui à des pénalités, ce qui semble peu réaliste dès lors que les talibans dirigent le pays.

La révision du régime de sanctions pourrait constituer un puissant levier dans le cadre de futures négociations avec les talibans.

La révision du régime de sanctions pourrait constituer un puissant levier dans le cadre de futures négociations avec les talibans. La Mission des Nations unies en Afghanistan a récemment proposé une approche dite en « mosaïque », qui s’articule autour de six axes, pour relancer le dialogue entre les autorités de fait et les acteurs extérieurs. Le plan prévoit, en contrepartie de progrès en matière de lutte contre le terrorisme, de gouvernance inclusive et de droits des femmes, des discussions sur une réévaluation des sanctions, le dégel des avoirs de la banque centrale afghane et la restauration d’une représentation diplomatique. Parmi ces mesures, la réévaluation des sanctions est la plus urgente pour les talibans et celle qui est la plus susceptible de les amener à faire des concessions. Leurs dirigeants ont tendance à considérer le maintien des sanctions comme une forme de guerre économique et interrogent de manière récurrente les responsables onusiens sur les conditions éventuelles de leur levée.

La simple existence de sanctions exerce un effet dissuasif sur les activités humanitaires et économiques en Afghanistan. Les sanctions américaines sont plus contraignantes que celles de l’ONU, mais ces dernières causent néanmoins des difficultés. En 2021, le Conseil a adopté la résolution 2615, qui énonce que le financement d’activités humanitaires en Afghanistan ne constitue pas une violation des sanctions onusiennes. Malgré cela, les institutions humanitaires et financières continuent d’aborder le pays avec une grande prudence. Le secteur privé affiche une tolérance au risque très faible lorsqu’il s’agit de l’Afghanistan : le coût lié à une éventuelle infraction au régime de sanctions, même involontaire, dépasse souvent les bénéfices d’un engagement. D’autres préoccupations – telles que les risques pour la réputation que fait courir toute coopération avec les talibans et l’incertitude quant à ce qui tombe ou non sous le coup de sanctions – ont également conduit de nombreux acteurs à rester à l’écart du pays, en dépit de l’urgence humanitaire (75 pour cent des Afghans peinent à subvenir à leurs besoins quotidiens).

Le Conseil de sécurité pourrait clarifier la portée des sanctions onusiennes et tenter d’accroitre son influence sur les talibans en révisant le régime de sanctions. La mise à jour de formulations obsolètes constituerait une première étape logique. Le Conseil pourrait également envisager d’établir des critères assortis de contreparties clairement définies. Dans d’autres contextes, il a incité des gouvernements à coopérer en établissant certains critères dont la satisfaction ouvrait droit à un allègement des sanctions. Dans le cas afghan, cela pourrait consister à fixer des objectifs clairs en matière de lutte contre le terrorisme pour les autorités de fait, comme empêcher les groupes jihadistes transnationaux d’utiliser le sol afghan comme base d’opérations, ou à appeler à l’assouplissement des restrictions imposées aux droits des femmes et des filles. L’instauration d’un examen périodique des sanctions – un mécanisme déjà en vigueur dans le régime de l’ONU visant al-Qaeda et l’EIIL – pourrait contribuer à convaincre Kaboul que les concessions seront effectivement récompensées. 

En pratique, l’assouplissement des sanctions onusiennes contre les talibans aura un impact économique limité tant que les restrictions américaines resteront en vigueur. Cependant, si les membres influents du Conseil parviennent à dépasser leurs divergences sur la manière de traiter avec Kaboul et à soutenir une feuille de route commune pour améliorer les relations avec les talibans, cela pourrait offrir à l’ONU une opportunité diplomatique tardive pour influer sur la trajectoire afghane.

6. Ajuster le rôle de la MONUSCO dans l’est de la RDC

En décembre, le Conseil de sécurité se prononcera sur un nouveau mandat pour la MONUSCO, la mission onusienne de maintien de la paix en République démocratique du Congo (RDC), près d’un an après que les rebelles du M23, soutenus par le Rwanda, ont pris le contrôle des capitales du Nord-Kivu et du Sud-Kivu. Bien que Kigali et le M23 se soient engagés à respecter la souveraineté de la RDC dans le cadre des récents accords de paix, ils se préparent à une occupation de longue durée. Cela pose de nombreux problèmes pour la MONUSCO, contrainte d’opérer dans des zones qui sont, de facto, sous le contrôle du M23. Néanmoins, l’ONU a encore un rôle à jouer dans l’est de la RDC, en particulier si les parties finissent par observer un cessez-le-feu maintes fois promis. Les membres du Conseil doivent se préparer à repositionner rapidement la MONUSCO pour soutenir toute trêve qui pourrait voir le jour.

L’incapacité de la mission à juguler l’avancée du M23 a terni son image auprès de la population congolaise, tandis que les violences ont encore dégradé les relations déjà tendues entre la force onusienne et les rebelles. Lors des combats pour Goma, tous les belligérants se sont rendus coupables de violences sexuelles et ont recruté des enfants de force. Les Casques bleus, pourtant chargés de protéger les civils dans les zones de conflit et habilités à mener des opérations offensives dans de tels cas, n’ont pas pu empêcher ces abus généralisés. Aujourd’hui encore, les restrictions de mouvement imposées par le M23 au personnel onusien à Goma, la capitale du Nord-Kivu, et dans ses environs, continuent de paralyser la mission.

Les lignes de front entre les rebelles et l’armée ont peu évolué ces derniers mois. Ceci, associé aux engagements pris sur le papier en faveur d’un cessez-le-feu, pourrait redonner un sens à l’opération de maintien de la paix. L’accord de Washington du 27 juin conclu entre les gouvernements congolais et rwandais, ainsi que la déclaration de principes du 19 juillet négociée séparément à Doha entre Kinshasa et le M23, engagent les parties à instaurer un cessez-le-feu permanent, à protéger les civils, à permettre le retour des populations déplacées et à rétablir l’autorité de l’Etat dans l’est de la RDC. Certains de ces éléments, en particulier le rétablissement de l’autorité de l’Etat, reflètent les termes des négociations mais ont peu d’incidence dans les zones contrôlées par le M23. Mais l’engagement en faveur d’un cessez-le-feu est essentiel et la MONUSCO, bien qu’exclue des négociations précédentes, pourrait aider les belligérants à en respecter les modalités. Les Casques bleus disposent de décennies d’expérience en matière de surveillance des cessez-le-feu, y compris en RDC au début des années 2000. Le Conseil de sécurité a évoqué cette option en février et des responsables onusiens ont déjà défini les conditions préalables possibles. 

Les membres du Conseil de sécurité pourraient envisager trois formes d’appui au cessez-le-feu. La première consisterait à renforcer la présence des Casques bleus autour d’Uvira, où les combats sont les plus intenses, à condition que la pression diplomatique permette de contenir les hostilités en cours. Cela impliquerait un redéploiement de la MONUSCO au Sud-Kivu après son retrait de la province en juin 2024. Bien que le gouvernement congolais ait alors poussé la mission onusienne à se retirer, les récentes défaites militaires de l’armée congolaise pourraient rendre la perspective de son retour plus acceptable pour Kinshasa. Une deuxième option consisterait à renforcer la présence de la mission dans les zones sensibles du Nord-Kivu, où le M23 et les troupes rwandaises affrontent les milices Wazalendo, favorables à Kinshasa, des rebelles rwandais et d’autres groupes armés. Une troisième possibilité serait d’étendre les activités des Casques bleus dans la province de l’Ituri, où ils protègent plus d’un million de personnes fuyant les violences commises par des groupes armés locaux.

Un contrôle effectif du cessez-le-feu exigerait l’engagement des belligérants, de la mission, des pays contributeurs de troupes et du Conseil de sécurité. Il nécessiterait aussi des ressources supplémentaires, les Casques bleus ayant besoin de technologies de reconnaissance avancées pour assurer un suivi en temps réel. 

Un soutien sans équivoque du Conseil de sécurité, et des pressions directes de Doha et Washington … donneraient à la MONUSCO l’appui politique dont elle a besoin.

Sur le plan politique, la situation restera, comme toujours, difficile à gérer. La MONUSCO doit préserver son impartialité sans renoncer à ses responsabilités en matière de protection. Des affrontements opposent le Rwanda et le M23 aux Casques bleus depuis près de quatre ans, et des échanges de tirs particulièrement nourris ont précédé la chute de Goma. La mission a besoin pour exister du consentement de Kinshasa, qui considère que le M23 est une force terroriste soutenue de l’extérieur. Coopérer avec les rebelles pour avoir accès aux zones qu’ils contrôlent sans être accusée d’entériner ainsi l’annexion d’une partie du territoire congolais constitue déjà un défi majeur pour la direction de la MONUSCO. Un soutien sans équivoque du Conseil de sécurité, et des pressions directes de Doha et Washington sur Kinshasa et Kigali, donneraient à la MONUSCO l’appui politique dont elle a besoin pour faire coexister les différentes composantes de son mandat. 

Le rôle exact de la mission dépendra des dynamiques sur le terrain, c’est-à-dire du respect par les parties de leurs engagements ou, à l’inverse, de la poursuite des combats. La pression internationale sur les belligérants est restée relativement forte depuis l’accord de Washington. L’ONU est en mesure de jouer un rôle actif dans le contrôle du cessez-le-feu dans les zones où celui-ci est plus ou moins respecté, avec l’objectif que ces espaces de stabilité s’élargissent progressivement.

7. Attirer l’attention, une nouvelle fois, sur la crise des réfugiés rohingyas

La situation dramatique des réfugiés rohingyas musulmans ayant fui le Myanmar vers le Bangladesh demeure l’une des plus graves crises humanitaires auxquelles l’ONU est confrontée. Près d’un million de Rohingyas ont quitté le nord de l’Etat de Rakhine depuis que l’armée birmane a lancé, en 2017, une campagne de nettoyage ethnique contre cette minorité religieuse. Si le gouvernement bangladais a facilité la fourniture d’une assistance de base aux réfugiés, il s’est refusé à les intégrer à l’économie locale, insistant sur la perspective, pourtant illusoire, de leur rapatriement imminent. Les coupes budgétaires aggravent encore leur situation : l’ONU a fait savoir qu’en l’absence de nouveaux engagements financiers, les fonds destinés à l’aide alimentaire seraient épuisés d’ici décembre.

Le Bangladesh a réclamé un soutien international accru et, le 30 septembre, à New York, les Etats membres de l’ONU consacreront une conférence spéciale de haut niveau à la crise des Rohingyas. Si cette réunion portera à la fois sur la situation dans l’Etat de Rakhine et sur la réponse humanitaire de l’autre côté de la frontière, les participants devraient également se pencher sur une autre dimension de la crise : l’insécurité dans les camps de réfugiés au Bangladesh, alimentée en partie par des groupes armés rohingyas de plus en plus unis, qui enrôlent des réfugiés dans leurs rangs et multiplient les incursions violentes dans l’Etat de Rakhine.

Le contexte sécuritaire et politique de part et d’autre de la frontière complique encore la situation. Au Myanmar, l’Armée d’Arakan – un groupe armé ethnique soutenu par la majorité bouddhiste locale – a pris le contrôle de la majeure partie de l’Etat de Rakhine à la suite du coup d’Etat militaire de 2021. Les combats qui ont eu lieu en 2024 ont opposé l’Armée d’Arakan à des groupes armés rohingyas qui se sont rangés du côté de l’armée birmane ; l’Armée d’Arakan a depuis été accusée d’exactions contre des civils rohingyas, provoquant un nouvel afflux de réfugiés au Bangladesh. Dans les camps, les groupes armés rohingyas ont réagi en mettant de côté leurs rivalités anciennes et en menant des campagnes de recrutement. Les services de sécurité bangladais semblent avoir toléré ces activités, avec l’objectif apparent d’utiliser ces groupes comme levier de négociation pour inciter l’Armée d’Arakan à coopérer au rapatriement des réfugiés. Ces groupes armés ont également lancé des raids dans l’Etat de Rakhine visant à la fois l’Armée d’Arakan et des civils, contribuant à entretenir le cycle de violences entre communautés bouddhiste et musulmane.

Bien que les défis sécuritaires dans les camps constituent une préoccupation majeure au Bangladesh, les autorités de transition … peinent à y répondre de manière efficace.

Bien que les défis sécuritaires dans les camps constituent une préoccupation majeure au Bangladesh, les autorités de transition – accaparées par les conséquences de la chute de la Première ministre Sheikh Hasina en août 2024 – peinent à y répondre de manière efficace. Lors de la prochaine conférence de l’ONU, le Bangladesh va, à juste titre, insister sur la nécessité d’un financement humanitaire pérenne et d’un plan de rapatriement. D’autres participants devraient, quant à eux, saisir l’occasion pour attirer l’attention des hauts responsables bangladais sur le militantisme croissant des groupes armés rohingyas, en prenant toutes les précautions d’usage pour éviter une réaction négative.

L’ONU et les gouvernements étrangers n’ont ni l’autorité ni la capacité d’intervenir directement dans les camps, mais ils peuvent collaborer avec les autorités bangladaises pour réduire l’attrait qu’exercent les groupes armés sur les réfugiés. Si de nombreux jeunes hommes rejoignent ces groupes, c’est avant tout faute d’autres moyens de subsistance. Le gouvernement interdit aux réfugiés de travailler pour un employeur local ou de créer leur propre entreprise, bien que beaucoup le fassent en pratique. Offrir aux réfugiés davantage d’opportunités économiques qui les préparent au rapatriement, réduisent leur dépendance à l’aide et soutiennent l’économie locale, tout en prenant des mesures pour améliorer leurs conditions de vie – par exemple en améliorant la qualité des abris, de l’éducation et des soins de santé – leur donnerait des alternatives à l’adhésion aux groupes armés et les aiderait à faire face aux conséquences de la baisse de l’aide internationale. Cette assistance suppose toutefois, au moins en partie, de disposer de ressources financières additionnelles.

Les responsables à Dacca craindront légitimement que de telles mesures aboutissent à l’installation durable d’un grand nombre de réfugiés rohingyas sur le territoire bangladais. Mais l’alternative consisterait à laisser les groupes armés accroitre leur pouvoir, leur permettant à la fois de s’imposer dans les camps et d’intensifier les affrontements avec l’Armée d’Arakan.

8. Répondre aux besoins en matière de santé sexuelle et reproductive dans les situations de conflit

Alors que les coupes budgétaires déstabilisent l’ensemble du système onusien, les services de santé sexuelle et reproductive dans les zones de conflit sont particulièrement menacés. Avant le démantèlement de l’USAID par l’administration Trump, les Etats-Unis assuraient la part la plus importante du financement des prestataires internationaux de soins de santé, au premier rang desquels figuraient les agences de l’ONU. Le retrait des financements américains, conjugué aux coupes opérées par le Royaume-Uni, la Belgique et d’autres pays, a laissé le secteur mondial de la santé exsangue. La diminution des services assurés par les agences onusiennes dans les pays en conflit engendre des difficultés plus grandes encore — dont le coût de correction ne cesse de croître — alors même que les besoins en santé sexuelle et reproductive dans ces contextes sont en constante augmentation.

Au Soudan, par exemple, des violences sexuelles massives continuent d’être largement documentées, et les besoins des victimes demeurent en grande partie insatisfaits. Des responsables de l’ONU ont indiqué à Crisis Group que les coupes budgétaires avaient contraint le Fonds des Nations unies pour la population (FNUAP) à fermer 40 safe spaces (lieux sûrs) où les victimes de viol bénéficiaient d’un traitement médical et d’un accompagnement psychologique, y compris dans des zones de combat comme El-Fasher, la capitale de la province du Darfour septentrional, où les violences sexuelles sont courantes. En Afghanistan, où les décrets des talibans compliquaient déjà l’accès aux services de santé maternelle, 409 sages-femmes perdront le soutien du FNUAP en 2025 en raison des coupes. A Gaza en proie à la famine, l’appel de fonds du FNUAP pour aider les mères et les nouveau-nés n’avait recueilli, en avril, que moins de treize pour cent des financements nécessaires.

Le FNUAP a vu ses financements baisser sous toutes les présidences républicaines américaines depuis celle de Ronald Reagan, mais, cette fois, les coupes ont été accompagnées d’un ordre de cessation des activités, qui a permis à Washington de récupérer des fonds déjà engagés et partiellement dépensés sous l’administration Biden. La situation financière est d’autant plus critique qu’aucun autre bailleur de fonds ne prend le relais cette fois-ci. L’aide internationale recule de manière générale, tandis que l’opposition du mouvement conservateur mondial à la fourniture de soins de santé sexuelle et reproductive atteint un niveau sans précédent depuis plusieurs décennies.

Les coupes budgétaires ont … mis en évidence des faiblesses structurelles dans la réponse aux besoins en matière de santé sexuelle et reproductive dans les situations de conflit.

Les coupes budgétaires ont également mis en évidence des faiblesses structurelles dans la réponse aux besoins en matière de santé sexuelle et reproductive dans les situations de conflit. Des représentants de l’ONU ont indiqué à Crisis Group que le niveau élevé de contributions internationales avait permis aux gouvernements nationaux de masquer la faiblesse de leurs investissements dans leurs propres systèmes de santé. Avec la réduction de l’aide, qui rompt certaines chaînes d’approvisionnement dans le secteur de la santé, les effets de cette dépendance commencent à se faire sentir. Des entrepôts au Cameroun regorgent de traitements inutilisés contre le VIH/sida et, en RDC, de kits destinés aux victimes de viol, tandis que les Etats-Unis s’emploient activement à détruire des millions de dollars de contraceptifs stockés en Europe plutôt que de permettre à l’ONU et d’autres acteurs de les acheter. Par ailleurs, l’interruption des enquêtes démographiques et sanitaires financées par les Etats-Unis a créé un déficit majeur d’informations sur les besoins médicaux des populations et empêché d’évaluer, chiffres à l’appui, l’impact des coupes.

Pour limiter des dommages supplémentaires, les bailleurs de fonds devraient sanctuariser ce qu’il reste de leur soutien aux services de santé sexuelle et reproductive lorsqu’ils procèdent à des réductions d’aide, comme l’ont fait les Pays-Bas et la Suède. Les coupes dans le secteur de la contraception, en particulier, risquent de mettre à rude épreuve, pour longtemps, les opérations humanitaires dans les sociétés touchées par les conflits. Un moindre accès aux contraceptifs entraine en effet une hausse des naissances, et donc un accroissement des besoins essentiels au sein d’une population en expansion.

Les bailleurs de fonds et l’ONU devraient aussi renforcer les efforts de l’organisation pour remédier aux insuffisances des systèmes de santé nationaux en orientant les ressources limitées vers le développement de capacités durables. Parmi ces capacités, le métier de sage-femme revêt une importance particulière, car il permet de répondre à des besoins essentiels en matière de santé sexuelle et reproductivecomme l’accouchement sans risque et à un coût relativement faible. Ces services peuvent à terme être assurés par les systèmes de santé nationaux, réduisant ainsi leur dépendance vis-à-vis d’un soutien extérieur susceptible d’évoluer. Mais l’établissement de systèmes de santé nationaux solides ne sera ni rapide ni simple ; dans l’intervalle, les partenaires internationaux devraient idéalement maintenir leur appui aux programmes les plus essentiels de santé sexuelle et reproductive.

9. Gérer les retombées du rétablissement des sanctions contre l’Iran

Un bras de fer est en cours au Conseil de sécurité à propos des sanctions de l’ONU contre l’Iran. Lorsque l’Iran et les puissances mondiales ont conclu, en 2015, le Plan d’action global commun (PAGC), le Conseil a suspendu un ensemble de sanctions imposées à Téhéran en raison de ses programmes nucléaire et de missiles balistiques. Il avait alors précisé que les signataires du PAGC pourraient rétablir ces mesures si l’Iran ne respectait pas les termes de l’accord et qu’aucun autre mécanisme de règlement des différends n’aboutissait. Le 28 août, le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne (les signataires européens du PAGC, dits « E3 »ont activé cette option, connue sous le nom de snapback, affirmant que l’Iran viole ses engagements de non-prolifération depuis 2019 au point de constituer une « non-exécution significative ».

Selon le mécanisme du snapback, conçu pour contourner les vétos chinois et russe, les sanctions seront automatiquement rétablies à moins que le Conseil n’adopte, dans les 30 jours, une résolution réaffirmant leur suspension. Le Royaume-Uni, la France ou les Etats-Unis pourraient toutefois bloquer une telle résolution en usant de leur droit de véto. En résumésauf accord de dernière minute avec l’Iranles puissances occidentales déclareront le rétablissement des sanctions à compter de minuit, le 28 septembre. Ces mesures de grande envergure comprennent notamment l’interdiction du commerce de matières nucléaires et de nombreux types d’armes conventionnelles avec l’Iran.

Les E3 ont brandi tout au long de l’année la perspective d’un rétablissement automatique des sanctions, en partie parce que la résolution 2231 du Conseil de sécurité, qui entérinait le PAGC, doit expirer le 18 octobre. Les Etats-Unis, qui avaient tenté d’activer ce mécanisme en 2020 mais avaient été largement ignorés après la décision du président Trump, en 2018, de se retirer du PAGC, ont soutenu l’initiative. Après les frappes israéliennes et américaines contre l’Iran en juin, les E3 ont tenté de convaincre Téhéran de prolonger de six mois l’option de rétablissement automatique, afin de gagner du temps pour poursuivre les discussions sur un nouvel accord nucléaire et sur le rétablissement de l’accès de l’ONU à ses installations. L’Iran a toutefois refusé les conditions européennes ainsi que toute prolongation, et a sciemment ralenti les pourparlers.

L’Iran a menacé de se retirer du Traité de non-prolifération nucléaire en réaction au rétablissement automatique [de sanctions].

Si les résolutions relatives aux sanctions que les E3 souhaitent rétablir sont censées engager tous les Etats membres de l’ONU, rien ne dit que des puissances comme la Chine et la Russie les accepteront. Comme Téhéran, Moscou soutient que les E3 ne respectent plus le PAGC, n’ayant pas tenu leurs engagements économiques envers l’Iran. Même si la Russie et la Chine ne disposent pas de moyens évidents pour empêcher le rétablissement automatique, elles peuvent en compliquer la mise en œuvre en s’opposant à la création d’un comité du Conseil de sécurité chargé de superviser le régime de sanctions et d’un groupe d’experts chargé de contrôler les interactions des Etats avec l’Iran. En dehors du Conseil de sécurité, les Etats-Unis et les puissances européennes pourraient entrer en concurrence avec la Russie et la Chine pour convaincre d’autres pays de la légitimité ou, au contraire, de l’illégitimité du processus de rétablissement automatique. Des diplomates européens admettent également que, quelles qu’en soient les bases juridiques, le rétablissement du régime de sanctions se fera probablement de manière incomplète. L’Iran a menacé de se retirer du Traité de non-prolifération nucléaire en réaction au rétablissement automatique, mais n’avait, au moment de la rédaction de ce briefing, encore pris aucune mesure formelle en réponse à la notification des E3.

Malgré l’activation du mécanisme de rétablissement automatique, les E3 — ainsi que Washington — ont souligné leur volonté de mettre à profit les semaines précédant la réimposition des sanctions pour rechercher un accord diplomatique. Ni eux, ni Téhéran ne devraient renoncer à la quête d’une solution négociée à la question nucléaire. L’abandon du dialogue pourrait inciter l’Iran à se lancer dans une course à l’arme nucléaire. Sans possibilité pour les inspecteurs de l’ONU de contrôler les activités nucléaires menées dans le pays, le risque d’une reprise des frappes israéliennes et/ou américaines contre l’Iran paraitrait alors inévitable. 

Il existe pourtant une alternative à une reprise du conflit. Comme l’a déjà souligné Crisis Group, les Etats-Unis et leurs alliés pourraient  proposer que l’Iran rejoigne un consortium multinational d’Etats chargé d’enrichir l’uranium à des fins civiles (ce que Téhéran continue de revendiquer comme un droit) et qu’il négocie parallèlement un accord de non-agression avec Israël. Si l’Iran prenait des mesures en ce sens, le Conseil de sécurité serait vraisemblablement amené à entériner ces dispositions et l’organe de contrôle nucléaire de l’ONU à vérifier le respect par Téhéran de ses engagements. 

10. Définir un rôle potentiel pour l’ONU en Ukraine

Au début de l’année 2025, les efforts de l’administration Trump pour obtenir un cessez-le-feu rapide entre la Russie et l’Ukraine ont alimenté des discussions en coulisses à New York sur ce que l’ONU pourrait entreprendre pour y contribuer. Ces débats ont cependant perdu de leur importance à mesure que s’éloignait la perspective d’une fin rapide des hostilités. Après la rencontre d’août entre le président Trump et le président Vladimir Poutine en Alaska, suivie d’une réunion à la Maison-Blanche entre Donald Trump et le président ukrainien ainsi que plusieurs dirigeants européens, la question du rôle de l’ONU en Ukraine pourrait à nouveau se poser.

De 2022 à 2024, les discussions du Conseil de sécurité sur l’agression russe ont suivi un schéma prévisible, les alliés de l’Ukraine et la Russie s’échangeant des invectives lors de réunions fréquentes mais improductives. A l’Assemblée générale, une majorité d’Etats membres a voté, durant la première année de guerre, des résolutions en soutien à l’Ukraine, mais ce consensus s’est depuis effrité, un nombre croissant de pays du « Sud global » estimant que l’ONU devait davantage se concentrer sur leurs propres préoccupations, notamment la dette et le développement, tandis que le conflit entre Israël et le Hamas accaparait l’ordre du jour.

Comme indiqué plus haut, l’administration Trump a bousculé les débats onusiens en février en s’opposant à une résolution de l’Assemblée, rédigée par l’Ukraine et l’Europe, pour marquer le troisième anniversaire de la guerre, et en présentant au Conseil de sécurité un texte alternatif appelant à une paix rapide (texte soutenu par la Russie, tandis que la France et le Royaume-Uni se sont abstenus). Mais l’initiative américaine a également suscité des débats sur le rôle éventuel de l’ONU dans le suivi d’un futur cessez-le-feu. Tandis que le Royaume-Uni et la France exploraient l’option d’un déploiement militaire européen en Ukraine après le conflit, les Etats-Unis et plusieurs autres membres de l’OTAN estimaient qu’une mission internationale de vérification distincte — dotée d’un mandat du Conseil de sécurité et éventuellement placée sous commandement onusien — pourrait être nécessaire afin de surveiller le cessez-le-feu et de réduire le risque d’escalades involontaires. La France semble avoir fait partie des pays qui ont évoqué ce sujet avec le secrétaire général, António Guterres.

Avant 2025, l’ONU n’avait rien planifié en vue d’une opération de paix en Ukraine. Le secrétaire général s’était montré réticent à participer à des initiatives diplomatiques visant à mettre fin aux hostilités, en partie parce qu’il ne voulait pas donner l’impression d’entériner un règlement impliquant une perte de territoire par Kiev. Des discussions ont bien eu lieu au sein du secrétariat, mais sans grand niveau de détail (les analyses les plus approfondies ayant été menées par des groupes de réflexion spécialisés dans le maintien de la paix).

Même si aucun règlement [de la guerre en Ukraine] n’est encore en vue, les responsables onusiens et les diplomates doivent envisager différentes éventualités pour l’ONU.

Même si aucun règlement n’est encore en vue, les responsables onusiens et les diplomates doivent envisager différentes éventualités pour l’ONU. Comme l’a souligné Crisis Group, en dépit du caractère sporadique des efforts diplomatiques, les contours d’un éventuel accord se sont précisés, et il est difficile d’imaginer un règlement durable sans qu’un acteur extérieur — éventuellement l’ONU — supervise la ligne de contact entre les deux parties. Même si les chances de parvenir rapidement à un tel accord restent minces, les responsables onusiens pourraient s’en servir comme point de départ à des fins de planification.

Le Conseil de sécurité pourrait également contribuer à superviser toute présence internationale sur le territoire ukrainien, et l’ONU elle-même pourrait jouer un rôle opérationnel direct pour faciliter la fin des hostilités. Des instances parrainées par l’ONU pourraient par exemple surveiller la ligne de front, soutenir les échanges de prisonniers, contribuer au déminage et coordonner le retour des civils, y compris des enfants. Certaines de ces tâches — comme la surveillance — pourraient nécessiter le déploiement de personnel onusien, tandis que d’autres reviendraient aux agences humanitaires de l’ONU déjà présentes en Ukraine, même si leurs financements dédiés au pays ont été réduits. 

IV. Conclusion

 

Pour de nombreux Etats membres de l’ONU et responsables internationaux, l’objectif principal de l’organisation au cours des douze prochains mois sera simplement de réussir à se maintenir à flot. Stabiliser les finances du secrétariat et des agences constituerait déjà un soulagement. Le secrétaire général, António Guterres, passera de la présentation du processus de réforme ONU80 à la mise en œuvre des coupes budgétaires et des ajustements promis. Si l’année à venir n’apportera sans doute aucun réconfort à l’ONU, elle pourrait néanmoins offrir une certaine visibilité quant à l’avenir de l’organisation. Lorsque les responsables politiques américains nommés par l’administration Trump prendront leurs fonctions à New York, à Genève et dans d’autres centres onusiens, les autres représentants auront peut-être une idée plus claire de l’approche diplomatique américaine. Le processus de sélection d’un nouveau secrétaire général donnera aux Etats membres l’occasion d’exprimer leurs préférences quant aux priorités de l’organisation. L’année à venir pourrait ainsi constituer une période de transition pour l’institution, qui devra s’adapter à la baisse de ses moyens, tandis que les Etats membres débattront des réformes à mener pour celui ou celle qui succédera à António Guterres.

Cependant, l’ONU est confrontée à des problèmes qui ne sauraient attendre. La fenêtre d’opportunité pour établir une présence en Syrie va rapidement se refermer, et il est grand temps que le Conseil de sécurité revoie sa position sur l’Afghanistan. Les urgences humanitaires à Gaza et au Soudan requièrent une attention immédiate, tout comme la crise sécuritaire en Haïti. Des conflits, dont celui opposant la Russie à l’Ukraine, évolueront rapidement, avec des résultats incertains. De surcroît, tolérer un recul supplémentaire des acquis en matière d’égalité de genre, alors qu’ils ont été obtenus au prix de plusieurs décennies d’efforts, aggraverait les souffrances et compromettrait les perspectives de vie des femmes et des filles dans les zones de conflit à travers le monde.

Les responsables onusiens rappellent souvent la nécessité d’anticiper les crises naissantes plutôt que d’y réagir. Ils le font rarement. Mais, comme ce briefing l’a montré, l’ONU est confrontée à une série de crises qui, malgré un contexte géopolitique et financier défavorable, exigent une action rapide, même si les financements nécessaires font défaut, et que les solutions faciles n’existent pas. Si l’apitoiement a marqué l’année 2025 à l’ONU, l’organisation ne doit pas perdre de vue ce qu’elle peut encore accomplir.

New York/Bruxelles, 9 septembre 2025

Le Sénégal face à ses défis économiques et climatiques : Une proposition stratégique pour une Initiative Carbone nationale

Le Sénégal, confronté à un contexte économique difficile marqué par une dette publique réévaluée et la suspension d’un prêt du FMI, explore activement des voies innovantes pour son redressement économique et social. Dans ce cadre, une proposition ambitieuse est mise en avant pour lancer une Initiative Carbone Sénégal, un mécanisme national de crédits carbone complémentaire à une taxe carbone et connecté aux marchés internationaux via l’Article 6 de l’Accord de Paris. Cette initiative, telle que détaillée dans une étude récente, vise à concilier impératifs économiques et objectifs climatiques ambitieux.

Le pays fait face à une dégradation de ses notes financières et à une réévaluation significative de sa dette publique. En réponse, le Plan de redressement économique et social « Jubbanti Koom » a été lancé, avec l’objectif de mobiliser 6 000 milliards de francs CFA en trois ans, principalement par des ressources endogènes, incluant la fiscalité environnementale et les financements verts. Parallèlement, le Sénégal est fortement exposé aux changements climatiques et s’est engagé à réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 5 % (objectif inconditionnel) et de 23,7 % (objectif conditionnel) d’ici 2030, conformément à sa Contribution Déterminée au Niveau National (CDN).

La tarification du carbone : Un levier stratégique pour le Sénégal
Des études, notamment celles menées par la BOAD et la CCNUCC depuis 2019, ont identifié la taxe carbone comme un instrument de tarification adapté au contexte sénégalais, grâce à son faible coût administratif, son signal de prix direct aux émetteurs et la flexibilité d’utilisation de ses recettes. Le Sénégal est déjà engagé dans l’exploration de la tarification carbone depuis 2018, avec des études de faisabilité et des consultations en cours

L’Initiative Carbone Sénégal, si elle est adoptée, présente un double avantage majeur :

  1. Génération de revenus substantiels pour le redressement économique :
    • La proposition estime que les contributions carbone des secteurs maritime et aérien pourraient générer entre 100 et plus de 300 millions de dollars par an si le tarif européen était appliqué.
    • Au total, l’exploitation des 7 millions de tonnes équivalent CO₂ par an de potentiel de crédits carbone du pays pourrait générer jusqu’à 595 millions USD/an (soit environ 362 milliards de francs CFA), en fonction du prix de la tonne de carbone sur les marchés internationaux
    • Ces fonds sont cruciaux pour financer le Plan « Jubbanti Koom », permettant de mobiliser des ressources endogènes sans nouvel endettement.
  2. Impacts multifacettes sur le développement durable et la résilience :

    • Financement de la transition verte : Les recettes de la taxe carbone pourraient être réinvesties dans des programmes d’accès aux énergies propres, le soutien à l’industrie bas-carbone et des mesures d’atténuation.
    • Stimulation du marché domestique du carbone : Le couplage d’une taxe carbone avec un mécanisme national de crédits carbone créerait une demande locale, offrant une nouvelle source de revenus pour les porteurs de projets nationaux de réduction des émissions.
    • Réactivation de projets MDP « dormants » : L’initiative vise à rendre éligibles les 15 projets du Mécanisme de Développement Propre (MDP) existants au Sénégal (principalement dans l’énergie, les déchets, et la foresterie) pour le mécanisme domestique ou l’enregistrement sous l’Article 6.4 de l’Accord de Paris.
    • Renforcement de la compétitivité internationale : L’adoption d’une taxe carbone pourrait exempter le Sénégal de potentielles charges issues des politiques d’ajustement carbone aux frontières (comme celles de l’UE), lui permettant de conserver ces recettes au niveau national.
    • Création d’emplois et de co-bénéfices : Les investissements verts soutenus par la finance carbone contribueraient à la création massive d’emplois, à l’amélioration de la qualité de l’air, à la réduction des coûts de santé et à l’augmentation de la productivité.
    • Transparence et gouvernance renforcées : La conception d’une taxe carbone avec une utilisation transparente des fonds publics renforcerait la confiance et l’acceptabilité publique.

La Plateforme Nationale de publication et de vente de crédits carbone du Sénégal : Un pilier de l’initiative

Un élément central de cette proposition est la mise en place d’une Plateforme Nationale de publication et de vente de crédits carbone du Sénégal. Cette plateforme numérique sécurisée aurait pour objectif de structurer et d’opérationnaliser le marché domestique du carbone, avec des connexions aux marchés internationaux, afin de maximiser la captation de financements climatiques pour les acteurs locaux.

Ses objectifs principaux incluent :

  • Mettre en place un cadre réglementaire et technique national de génération de crédits carbone.
  • Développer une plateforme numérique de commercialisation et de suivi des crédits.
  • Valoriser les projets MDP « dormants » en les réintégrant dans une logique de marché.
  • Offrir un canal de vente directe des crédits aux acheteurs internationaux.
  • Promouvoir une demande locale de crédits carbone par des mécanismes incitatifs.

La plateforme reposerait sur quatre piliers : la mise en place d’un cadre national (incluant un registre et des méthodologies MRV conformes à l’Article 6), une interface numérique pour la gestion des projets et la mise en relation avec les acheteurs, la valorisation des projets existants et l’incubation de nouveaux, et la structuration du marché domestique.

Les secteurs à fort potentiel de génération de crédits carbone sont notamment les mangroves (2 millions tCO₂/an), l’énergie solaire et renouvelable (3 millions tCO₂/an), l’agriculture biologique (1 million tCO₂/an), l’énergie domestique (biogaz, foyers, 500 000 tCO₂/an) et la gestion des déchets (500 000 tCO₂/an), totalisant un potentiel estimé à 7 millions tCO₂/an. Les prévisions de revenus générés par la plateforme seule pourraient atteindre 3,6 millions USD en 2025 (pour 300 000 tCO₂) et jusqu’à 126 millions USD en 2031 (pour 7 millions tCO₂).

Alignement avec les priorités nationales et internationales

La proposition s’inscrit pleinement dans les ambitions climatiques de l’État du Sénégal et l’esprit de l’Accord de Paris. Le Sénégal s’est engagé à respecter les règles de l’Article 6 pour garantir l’intégrité environnementale et éviter le double comptage. Le pays a déjà signé des accords de coopération bilatérale avec la Suisse et la Norvège dans le cadre de l’Article 6.2. Des projets d’atténuation éligibles à l’Article 6 sont également en cours, comme la diffusion de digesteurs domestiques de biogaz et la gestion durable des déchets.

Le Sénégal est activement impliqué dans divers partenariats et initiatives de renforcement des capacités en matière de marchés du carbone, tels que le PNUD, l’ICAT ou le GGGI, ce qui renforce sa position dans les discussions internationales sur la tarification du carbone. Un cadre juridique solide, basé sur le principe du « pollueur-payeur », est déjà en place.

Conclusion : Une vision ambitieuse pour un avenir durable

L’Initiative Carbone Sénégal, avec sa plateforme nationale de vente de crédits carbone, représente une opportunité majeure pour le pays de concilier son redressement économique avec ses ambitions climatiques. En combinant une taxe carbone adaptée au contexte national avec un mécanisme de crédits carbone dynamique et connecté aux marchés internationaux, le Sénégal pourrait non seulement accélérer sa trajectoire de décarbonation, mais aussi sécuriser des financements endogènes cruciaux pour son développement.

Cette démarche proactive, si elle est mise en œuvre avec transparence et coordination entre les acteurs étatiques et privés, permettrait de construire une économie plus résiliente, durable et inclusive pour le bénéfice de tous les Sénégalais.

Birane Mamadou Salane
, spécialiste en Finance Climat et Directeur de BMS CONSULTING, est un expert en gestion de projets avec 8 ans d’expérience dans la structuration et le financement de projets, le développement de plateformes et solutions technologiques, ainsi que la conception et la mise en œuvre de projets « Digital for Development ». Il a travaillé pour les secteurs privés et publics, des ONG et des agences de développement (AFD, OIM, Climate Action Accelerator). Son cabinet, BMS CONSULTING, a notamment contribué à l’élaboration de la stratégie IA du Sénégal et, en tant qu’expert en finance climat, à la conception de plans d’actions de levée de fonds pour 5 ONG de la zone Sahel (BEFEN, KEOOGO, ALERTE SANTE, AMCP et SOS MÉDECINS) accompagnées par l’organisation suisse Climate Action Accelerator.

https://www.linkedin.com/in/biranemamadousalane/

Embouteillages : des villes africaines au bord de la crise de nerfs

314 milliards de dollars. C’est le coût annuel des embouteillages pour les économies africaines, selon un rapport de la multinationale française Alstom. Un montant, équivalant à quatre fois le PIB de la Côte d’Ivoire, ou près de la moitié de celui de la CEDEAO. Si les villes africaines n’ont pas encore la taille des mégapoles américaines ou européennes, elles n’échappent pas pour autant aux conséquences économiques et sanitaires d’une congestion urbaine croissante. Retards chroniques, surcoût logistique, pollution, stress : les embouteillages deviennent un frein majeur à la productivité et à la qualité de vie. Un handicap systémique, dont l’impact reste encore largement sous-évalué, malgré les politiques publiques engagées ces dernières années. Décryptage d’un mal urbain aux effets invisibles, mais bien réels.

À Abidjan, il est 6h30 du matin. Le voile de poussière qui flotte encore au-dessus de la ville n’a pas cédé sa place au soleil, mais déjà, les klaxons percent le silence. Au carrefour de Lubafrique, Awa, 32 ans, guette l’arrivée d’un gbaka. Ce minibus est son unique option pour rallier le marché d’Adjamé, où elle vend ses légumes.

« Si je rate celui-là, je peux perdre une demi-journée », lâche-t-elle en se glissant dans un véhicule déjà plein à craquer. Autour d’elle, la circulation s’enlise dans un ballet chaotique. Pour Awa, pas de doute, l’étroitesse de la bretelle qui mène à l’autoroute est en grande partie responsable de ce désordre matinal. « C’est trop petit pour tout ce monde. Ça coince tous les jours », lâche-t-elle, résignée.

« C’est trop petit pour tout ce monde. Ça coince tous les jours »

Comme Awa, des milliers d’Abidjanais vivent chaque matin ce même ballet chaotique, pris au piège d’un système de transport saturé. Enoc Kakou, journaliste, met du temps à trouver un taxi pour Port-Bouët et finit par en payer un cher, au risque d’être en retard. « Les embouteillages sur cette distance sont constants. Les taximen préfèrent faire trois courses rapides à 1 000 FCFA plutôt que de passer deux heures dans un seul trajet », explique-t-il. Théoriquement, 25 minutes suffisent, mais il lui faudra près d’une heure, au grand dam du chauffeur. Au volant, Yao Kouassi s’impatiente. « Quand je reste coincé pendant une heure pour une course qui aurait dû durer 25 minutes, ce sont trois courses que je perds. C’est de l’argent qui s’envole », lâche-t-il.

Les effets visibles et invisibles de la congestion

Abidjan, comme plusieurs autres métropoles africaines, est devenu un théâtre quotidien d’épreuves physiques et mentales, où chaque déplacement se transforme en défi. Selon une note publiée en 2019 sur le site de la Banque mondiale intitulée « The challenge of urban mobility in Abidjan »« à Abidjan, les plus pauvres, qui continuent de recourir aux transports publics pour se déplacer, consacrent actuellement entre 20 % et 30 % de leurs revenus au transport, et y passent en moyenne 200 minutes par jour, entre trajets et attentes ». Selon la Banque mondiale, le manque de mobilité au sein de l’agglomération d’Abidjan fait perdre jusqu’à 4-5 % de son revenu national à la Côte d’Ivoire.

Selon la Banque mondiale, le manque de mobilité au sein de l’agglomération d’Abidjan fait perdre jusqu’à 4-5 % de son revenu national à la Côte d’Ivoire.

Le phénomène n’est pas propre à Abidjan. À Lagos, une des plus grandes métropoles d’Afrique subsaharienne, la congestion routière constitue un frein majeur au développement. D’après une étude menée par le Danne Institute for Research, en partenariat avec Financial Derivatives Company, les habitants de la ville perdent en moyenne 2,21 heures par jour dans les embouteillages pour rejoindre leur lieu de travail. Ce temps perdu impacte directement leur productivité, leur santé mentale et leur bien-être général.

À Lagos, les habitants perdent en moyenne 2,21 heures par jour dans les embouteillages pour rejoindre leur lieu de travail.

Pour les particuliers, les coûts sont significatifs : les usagers des transports publics dépensent chaque année environ 79 000 nairas, soit 49,90 dollars, en frais supplémentaires liés aux retards, tandis que les automobilistes déboursent en moyenne 133 979 nairas, soit 89,10 dollars, en carburant gaspillé dans le trafic. Ces sommes, bien que modestes à première vue, pèsent lourd dans un contexte d’inégalités marquées et de forte précarité.

Les habitants de Lagos passent en moyenne 2,21 heures par jour dans les embouteillages.

Les entreprises ne sont pas en reste. Le croisement entre les heures de travail perdues et les salaires horaires dans les micro, petites et moyennes entreprises révèle des pertes économiques annuelles considérables. Selon l’étude, le coût total de la congestion routière pour l’économie de Lagos s’élève à près de 3 834 milliards de nairas par an, soit environ 8,7 milliards de dollars. Ce déficit, à lui seul, reflète les limites structurelles d’un réseau de transport sous-dimensionné, dans une ville qui concentre plus de la moitié de la capacité industrielle hors pétrole du Nigeria.

Une facture sanitaire qui grimpe

Chaque heure de pointe libère dans l’air d’importantes quantités de particules fines et de gaz nocifs.   Une enquête menée par la professeure Véronique Yoboué de l’Université de Cocody a révélé que, sur trois sites étudiés, les concentrations de NO₂ étaient supérieures aux normes de l’OMS. « On est souvent au-dessus des normes de l’OMS pour ce qui est de la quantité de dioxyde d’azote, par exemple », a-t-elle déclaré.

Le Dr Stéphane Aboussou, médecin généraliste, tire la sonnette d’alarme : « Les embouteillages ont trois grands impacts sur la santé. D’abord, sur le plan psychologique : le stress permanent qu’ils provoquent peut entraîner de l’hypertension et affaiblir les défenses immunitaires. Ensuite, sur le plan cardio-pulmonaire : la pollution de l’air, riche en dioxyde de carbone et en oxydes d’azote, favorise les crises d’asthme, les bronchites chroniques et les maladies cardiaques. Enfin, sur le plan musculo-squelettique : rester assis trop longtemps, sans bouger, provoque des douleurs dorsales, notamment des lombalgies »

Troubles du sommeil, anxiété généralisée, fatigue chronique et tensions artérielles élevées font désormais partie du quotidien de nombreux usagers.

Et Abidjan n’est pas un cas isolé. À Dakar, les polluants atmosphériques sont sept fois plus élevés que les niveaux recommandés, et les fumées de circulation sont un contributeur majeur. À Lagos, des chercheurs ont montré que les embouteillages prolongés affectent aussi la santé mentale. Troubles du sommeil, anxiété généralisée, fatigue chronique et tensions artérielles élevées font désormais partie du quotidien de nombreux usagers. Un stress omniprésent, surtout pour ceux qui, faute d’alternative, sont contraints de subir chaque jour ces conditions éprouvantes.

Des causes structurelles complexes

Les embouteillages sont le fruit de plusieurs facteurs. Plusieurs experts ont déjà pointé du doigt le fait que dans de nombreuses villes africaines, l’expansion urbaine se fait sans planification cohérente, créant des déséquilibres profonds entre zones d’habitation et infrastructures de transport.

« L’urbanisation non planifiée est au cœur du problème. Les quartiers poussent plus vite que les infrastructures, souvent en dehors de tout schéma d’aménagement. Les zones résidentielles s’éloignent des centres économiques, mais les routes, les transports publics et les services ne suivent pas. Avec la forte croissance démographique, cet étalement urbain amplifie les flux de déplacement quotidiens, et les infrastructures, souvent limitées ou mal entretenues, sont vite saturées. Résultat : des embouteillages massifs, coûteux en temps et en productivité. », explique Koffi Kouamé Elvis, docteur en géographie, spécialiste des mobilités urbaines et de la dynamique des villes.

« Les quartiers poussent plus vite que les infrastructures, souvent en dehors de tout schéma d’aménagement. Les zones résidentielles s’éloignent des centres économiques, mais les routes, les transports publics et les services ne suivent pas. »

Selon la Banque africaine de développement (BAD), entre 130 et 170 milliards de dollars par an seraient nécessaires pour combler les besoins en infrastructures urbaines en Afrique (routes, eau, électricité, logements, gestion des déchets, etc.) à cause de l’urbanisation galopante.  Les estimations nationales sont plus rares, mais certains rapports ou plans de développement donnent des pistes. À Abidjan, les besoins sont particulièrement élevés pour le logement social, les routes, le drainage, et les transports publics. Par exemple, la construction du métro d’Abidjan est un projet estimé à 1,5 milliard $ à lui seul.

 « Il faut repenser la ville dans sa globalité : densifier les zones d’activité pour réduire les déplacements, investir massivement dans les transports collectifs performants et accessibles, et surtout, appliquer une véritable politique de mobilité urbaine. L’enjeu, c’est de rapprocher les populations de leurs lieux de travail tout en diversifiant les modes de déplacement, bus rapides, trains urbains, pistes cyclables. Une ville bien pensée circule mieux », analyse Koffi Kouamé Elvis, donnant une idée de la complexité du problème.

Repenser la mobilité urbaine suppose aussi une réforme en profondeur de l’organisation territoriale. Dans de nombreuses capitales africaines, l’essentiel des activités économiques, administratives et politiques est concentré, exerçant une pression constante sur des infrastructures déjà saturées.

« En développant des pôles secondaires dynamiques, bien équipés et attractifs, on peut décongestionner les centres-villes et offrir aux populations des alternatives viables à la concentration urbaine. »

« Il faut sortir de la logique du tout-capitale. Tant que toutes les opportunités resteront concentrées à Abidjan, Dakar ou Kinshasa, les déplacements pendulaires resteront massifs. En développant des pôles secondaires dynamiques, bien équipés et attractifs, on peut décongestionner les centres-villes et offrir aux populations des alternatives viables à la concentration urbaine. La décentralisation, si elle est bien pensée, est une réponse au problème des embouteillages. », estime pour sa part Franc Maruis Kouakou, un usager.

Fluidifier le trafic, un enjeu vital pour les métropoles africaines

Selon le constructeur ferroviaire Alstom, la congestion urbaine coûte chaque année environ 314 milliards de dollars à l’Afrique. Si aucune reconfiguration des systèmes de transport n’est engagée d’ici 2030, le manque à gagner pourrait atteindre 488 milliards de dollars.

Pour les villes africaines, la congestion routière n’est donc plus seulement une gêne quotidienne, mais une urgence économique. En 2025, la Côte d’Ivoire prévoit investir 1,6 milliard $ dans les transports et les infrastructures routières, un effort financier important, mais encore en deçà du coût économique annuel des congestions urbaines.

Pendant ce temps, le continent continue d’importer à grands frais de nombreux véhicules chaque année. Entre 2015 et 2018 l’Afrique a importé 40% du nombre de véhicules d’occasion importé dans le monde, soit 5 600 000 véhicules, principalement en provenance d’Europe, des États-Unis et du Japon.

Entre 2015 et 2018 l’Afrique a importé 40% du nombre de véhicules d’occasion importé dans le monde, soit 5 600 000 véhicules, principalement en provenance d’Europe, des États-Unis et du Japon.

A contre-courant de cette tendance, les systèmes de transport public, eux, sont encore trop peu développés pour absorber la croissance de la population dans les grandes villes. Selon un rapport publié en 2019 par l’Agence japonaise de coopération internationale (JICA) sur le Plan directeur des Transports urbains de la Ville de Kinshasa, la ville disposait en 2018 d’environ 499 bus pour une population estimée à 10,6 millions d’habitants. Cela équivaut à un ratio d’environ un bus pour 21 000 habitants.

Des pistes inspirantes

Certains gouvernements tentent de faire face à la situation. En Côte d’Ivoire, l’Etat a interdit en 2018 l’importation de véhicules de plus de 5 ans, a notamment mis en place l’AMUGA (Autorité de la Mobilité Urbaine du Grand Abidjan) et adopté un nouveau plan de circulation. L’un des projets phares reste le métro urbain, censé transporter jusqu’à 500 000 passagers par jour à l’horizon 2030, pour un coût global estimé à un milliard d’euros. Le gouvernement a également déclaré avoir pour objectif, d’ici à 2030, d’atteindre 10 % de véhicules électriques dans le parc automobile de l’État et de créer un écosystème favorable à leur adoption par les acteurs privés en donnant l’exemple.

En parallèle, la capitale économique ivoirienne s’est dotée de nouveaux atouts : le quatrième pont, la ceinture d’Abidjan et l’élargissement de plusieurs axes majeurs. Mais ces investissements ne suffisent pas à absorber la croissance rapide de la population estimée à 32,6 millions d’habitants en 2025 avec un taux d’accroissement annuel de 2,42 %,  ni celle du parc automobile, qui a dépassé 1,2 million de véhicules selon les données du ministère des Transports.

Dakar développe le BRT, avec des voies réservées, des arrêts fixes et des horaires prévisibles.

D’autres capitales africaines explorent des solutions plus audacieuses. Dakar a inauguré un système de Bus Rapid Transit (BRT) pour fluidifier la circulation sur les grands axes et réduire les temps de trajet. Selon la Banque mondiale, cette initiative est cruciale pour une des villes à la croissance la plus rapide d’Afrique, dont les infrastructures de transport doivent s’adapter à une urbanisation accélérée. Le BRT, avec ses voies réservées, ses arrêts fixes et ses horaires prévisibles, permettra à quelque 320 000 passagers quotidiens de bénéficier d’un trajet plus sûr et plus confortable.

Le BRT, avec ses voies réservées, ses arrêts fixes et ses horaires prévisibles, permettra à quelque 320 000 passagers quotidiens de bénéficier d’un trajet plus sûr et plus confortable

La Banque mondiale s’attend à une réduction de 1,2 million de tonnes des émissions de GES sur une période de 30 ans, soit à peu près l’équivalent de la suppression de 260 000 voitures de la route, grâce au projet. Il devrait aussi améliorer de manière significative l’accès aux services essentiels et aux opportunités professionnelles, en particulier pour les femmes et les populations à faibles revenus. Une fois pleinement opérationnel, le BRT rendra accessibles 170 000 nouveaux emplois, et 59 % des opportunités d’emploi de la capitale pourront être atteintes en moins d’une heure.

Kigali mise sur la transition vers les véhicules électriques pour améliorer la qualité de l’air et réduire les émissions de gaz à effet de serre. Les autorités encouragent l’adoption de véhicules électriques, qui n’émettent pas de polluants tels que les composés organiques volatils, les hydrocarbures, le monoxyde de carbone et divers oxydes d’azote. La capitale rwandaise organise également deux fois par mois la Journée sans voiture (Car Free Day), une initiative lancée en 2016 par la municipalité.

Dans plusieurs pays sur le continent, des startups misent sur le numérique pour moderniser la mobilité urbaine. Elles proposent des applications permettant aux usagers de planifier leurs trajets, de localiser les véhicules disponibles en temps réel et de réduire leur temps de transport de 15 à 30 minutes, selon leurs données. Grâce à la technologie GPS, ces services permettent de choisir des itinéraires moins congestionnés, réduisant ainsi la dépendance aux routes saturées.

Toutefois, certains défis persistent, notamment en matière de coûts pour les utilisateurs les plus modestes ou de maîtrise des outils numériques chez une frange de la population moins familière avec ces technologies.

Quelques villes africaines prouvent que le changement est possible. À Addis-Abeba, le métro léger a permis de doubler la vitesse des trajets et de générer des économies de temps et de carburant, tout en créant plus de 1 000 emplois directs. À Kigali, la baisse des accidents grâce à une discipline routière stricte a réduit les coûts liés aux soins et aux pertes de productivité. À Casablanca, le tramway permet d’économiser près de 5,9 millions $ par an en temps de trajet et en frais de transport.

Toutes ces approches, si elles s’avèrent efficaces, pourraient inspirer de nombreuses villes confrontées au même défi. La mobilité urbaine est désormais au cœur des stratégies de développement. Car sans transports efficaces, pas de croissance inclusive, pas de villes durables.

Ingrid Haffiny

Agence Ecofin

Sénégal : 115 millions $ de la Banque mondiale pour les réformes budgétaires

 En février 2025, la Cour des comptes du Sénégal a révélé que le ratio d’endettement à fin 2023 atteignait environ 100% du PIB contre 74% initialement annoncé, poussant le pays à mettre en place des réformes budgétaires.

La Banque mondiale, à travers l’Association internationale de développement (IDA), a approuvé un financement concessionnel de 115 millions de dollars en faveur du Sénégal. Il vise à améliorer la viabilité de la dette publique, à renforcer la gestion des finances publiques et à accroître la mobilisation des ressources intérieures. L’annonce a été faite dans un communiqué publié le mardi 24 juin 2025.

Ce financement contribuera à la mise en œuvre du programme de réformes intitulé « Programme sénégalais pour la transparence et l’assainissement des finances publiques (SEN-FINTRAC) 2025-2029 », qui s’inscrit dans la Vision 2050 du pays. « Cette initiative soutient l’ambition du Sénégal de bâtir un système de gestion des finances publiques plus transparent, plus responsable et plus résilient », a déclaré Keiko Miwa, directrice de la division de la Banque mondiale pour le Sénégal.

Pour rappel, un examen des finances publiques effectué par la Cour des comptes du Sénégal en février 2025 a révélé que le ratio d’endettement à fin 2023 atteignait environ 100% du PIB, contre 74% comme l’avait annoncé le gouvernement précédent. Cela s’accompagne d’un déficit budgétaire réel en moyenne de 11%, atteignant même 12,30% en 2023 contre 4,90% précédemment déclaré.

Les enquêteurs avaient dénoncé des pratiques budgétaires irrégulières, comme le rattachement artificiel de recettes d’une année à l’exercice précédent pour minimiser le déficit. De ce fait, le Fonds monétaire international (FMI) a gelé les décaissements de son programme avec le Sénégal l’année dernière, après que le pays a admis avoir communiqué des données erronées sur sa dette et son déficit.

Avec le SEN-FINTRAC, ce pays d’Afrique de l’Ouest prévoit de renforcer la transparence dans la gouvernance des finances publiques, d’assurer la soutenabilité de la dette et d’améliorer la mobilisation de ressources intérieures, tout en modernisant l’administration fiscale et financière. SEN-FISCALE, en tant qu’instrument opérationnel de mise en œuvre du SEN-FINTRAC, constitue une réponse urgente aux conclusions du rapport d’audit de la Cour des comptes, ainsi qu’aux recommandations prioritaires formulées par les Services d’analyse et de conseil programmatiques (ASA) sur la gestion et la soutenabilité des finances publiques (GFP) du Sénégal.

Notons que cette enveloppe de la Banque mondiale comprend 105 millions de dollars pour un Programme basé sur les résultats (PforR) et 10 millions de dollars d’assistance technique pour soutenir la gestion du changement, la transformation numérique et le renforcement des capacités institutionnelles.

Lydie Mobio (stagiaire)

Edité par M.F. Vahid Codjia

Agence Ecofin

En Afrique subsaharienne, le trafic de données mobiles par smartphone va tripler d’ici 2030 (Ericsson)

 Alors que le nombre d’abonnements aux réseaux mobiles de deuxième et troisième générations connaîtra une forte chute en Afrique subsaharienne durant les prochaines années, la migration rapide vers la technologie 5G et la hausse de l’adoption des smartphones contribueront à augmenter significativement le trafic de données mobiles dans la région. 

Le trafic mensuel moyen de données mobiles par smartphone actif en Afrique subsaharienne devrait quasiment tripler d’ici 2030 pour atteindre 14 gigaoctets (Go) par utilisateur contre 5 Go en 2024, selon un rapport publié le mardi 24 juin par le géant suédois des équipements de télécommunications Ericsson.

Intitulé « Ericsson Mobility Report June 2025 », le rapport précise que cette évolution représente un taux de croissance annuel moyen de 19%, soit le rythme de croissance le plus élevé à l’échelle mondiale.

Le trafic de données sur l’ensemble des réseaux de téléphonie mobile actifs au sud du Sahara passera, quant à lui, de 2,3 exaoctets (1 exaoctet équivaut à 1000 milliards de gigaoctets) en moyenne par mois en 2024, à 11 exaoctets par mois en 2030, soit un taux de croissance annuel moyen de 29%. Dans ce chapitre aussi, l’Afrique subsaharienne enregistrera le taux de croissance le plus élevé à l’échelle planétaire.

Cette forte croissance du trafic des données mobiles dans la région découlera essentiellement de l’accélération de la migration des abonnés aux réseaux de téléphonie mobile de deuxième et troisième générations (2G et 3G) vers des générations plus récentes, l’amélioration des revenus des populations qui augmentera leur capacité à acheter des forfaits de données mobiles, l’augmentation du contenu à forte intensité de données et la hausse du taux d’adoption des smartphones, dont des appareils conçus pour la réalité augmentée et les applications évolutives de l’intelligence artificielle multimodale.

Régression inexorable de la 2G et de la 3G

Le rapport révèle d’autre part que le nombre d’abonnements aux réseaux de téléphonie mobile de cinquième génération (5G) en Afrique subsaharienne devrait passer de 11 millions en 2024 à 400 millions en 2030. Alors que certains pays de la région ont déjà lancé des réseaux 5G commerciaux, de nombreux autres pays prévoient de le faire durant les prochaines années. La croissance très rapide attendue de la 5G sera principalement tirée par l’accélération du déploiement des réseaux dans les zones urbaines, la disponibilité des appareils compatibles avec cette nouvelle génération de technologie mobile à des prix plus abordables et la demande croissante de données mobiles et de services numériques émanant d’une population jeune et technophile.

En 2030, les abonnements à la 5G devraient ainsi représenter environ 31 % de l’ensemble des abonnements aux réseaux de téléphonie mobile en Afrique subsaharienne.

Selon les projections d’Ericsson, la part de la quatrième génération (4G) devrait passer de 41% en 2024 à 37% en 2030, tandis que la 3G et la 2G ne représenteront ensemble que 32% du total des abonnements mobiles à la fin de la décennie en cours contre plus de 50% durant l’année écoulée.

Le nombre total d’abonnements aux services de téléphonie mobile, toutes générations confondues, en Afrique subsaharienne devrait, quant à lui, passer d’un milliard en 2024, à 1,270 milliard en 2030, ce qui représente le taux de croissance annuel moyen le plus élevé au monde (4% par an).

Par ailleurs, l’adoption des smartphones continue de s’accélérer dans la région qui comptera 890 millions de ces téléphones mobiles permettant l’accès à Internet en 2030, contre 540 millions seulement en 2024.

Walid Kéfi

Source : Agence Ecofin