L’Afrique confrontée à des défis sanitaires majeurs

Santé

Le Forum Galien sur les enjeux sanitaires se déroule pour la première fois en Afrique, où l’espérance de vie a gagné plus de dix ans depuis 2000.

Près de onze ans de gain d’espérance de vie depuis le début du siècle. C’est le résultat, à peu près sans équivalent historique par son ampleur, obtenu par les Africains grâce à une amélioration substantielle de leur système de santé. Notamment dans la lutte  contre le paludisme, le Sida et les maladies diarrhéiques chez l’enfant.

Une première pour l’Afrique

Mais les défis à relever demeurent à la taille de ce continent, dont la population va presque quadrupler, à 4,4 milliards d’habitants, d’ici la fin du siècle, selon les projections démographiques. Des défis au coeur du  forum Galien, du nom de ce Romain de l’Antiquité considéré comme l’inventeur de la médecine moderne, qui se déroule mardi et mercredi pour la première fois en Afrique, à Dakar. Ce forum (lors duquel sera remis le prix éponyme et qui est un peu l’équivalent d’un Nobel dans la pharmacie et la thérapeutique), se concentrera, notamment, sur l’accès aux soins, le financement des systèmes de santé de pays pauvres et le management des maladies infectieuses.

Accès aux médicaments

L’accès aux médicaments s’avère indispensable dans la lutte contre la propagation des maladies infectieuses et profite donc à toute la population, soulignait Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine et co-présidente du programme scientifique du Forum Galien, qui était récemment à Paris lors de la présentation de l’événement. Mais l’Organisation mondiale de la santé estime qu’un tiers des Africains n’ont pas accès aux 433 médicaments et vaccins considérés comme essentiels, dont pourtant beaucoup sont des génériques dont le brevet a été amorti. Des multinationales ont même renoncé à certains de leurs brevets dans les pays les plus pauvres. Cet accès difficile tient surtout aux goulots d’étranglement dans la distribution.

Des forces de frappe face aux épidémies

Alors qu’elles ont nettement reculé ailleurs, les maladies infectieuses demeurent les principales causes de décès en Afrique subsaharienne, devant les accidents cardiovasculaires, les cancers, le paludisme et la tuberculose. Les pathologies dues à des micro-organismes (14 millions d’Africains sont sous traitement contre le Sida), constituent aussi la grande majorité des « maladies émergentes » en Afrique.  L’épidémie récente d’Ebola a montré la nécessité d’un mécanisme d’intervention international. La Banque mondiale, avec l’appui de Berlin et Tokyo, a monté une force de réaction rapide expérimentale.

Le forum traitera aussi des maladies chroniques non transmissibles (maladies respiratoires et cardiovasculaires, cancer, diabète de type II), qui constituent une sorte de « sous-produit » du développement, c’est-à-dire de l’urbanisation, la sédentarisation et la détérioration des hygiènes de vie. Les priorités des systèmes de soins devraient être la prévention, le diagnostic précoce et les traitements ambulatoires (sans hospitalisation), note Awa Marie Coll Seck, ex-ministre de la santé du Sénégal.

La question clé du financement

L’argent constitue, comme ailleurs, le nerf de la guerre. Surtout sur un continent où la majorité de la population n’a pas les moyens de payer des soins de qualité. Le  marché de la santé y est évalué à 35 milliards de dollars, dont la moitié est payée par les patients directement. Le forum abordera la question du rôle joué par les ONG, les fondations philanthropiques, les régimes privés d’assurance collective et les partenariats public-privé. Selon une étude du cabinet Deloitte, la santé bénéficie de seulement 0,3 % des dépenses d’infrastructures publiques, contre 16 % à l’énergie et aux transports. La densité de médecins demeure aussi faible ; un pour 5.000 habitants.

Yves Bourdillon

Originally posted 2018-11-27 01:58:23.