COOPÉRATION. En se rendant au Tchad, pays majoritairement musulman, Netanyahu réalise une première pour un chef du gouvernement israélien et illustre que Tel-Aviv a de sérieuses ambitions africaines.
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu a un agenda bien chargé malgré ses problèmes judiciaires et la campagne électorale en cours. Dès ce dimanche, il se rendra à N’Djaména, la capitale du Tchad. C’est officiellement, la première visite d’un chef de gouvernement israélien dans ce pays africain à majorité musulmane avec lequel Tel-Aviv s’apprête à renouer des relations diplomatiques, qui ont été rompues il y a 47 ans. Alors qu’il sollicite un cinquième mandat de Premier ministre, Benjamin Netanyahu pourrait marquer des points pour avoir été un fer de lance du rayonnement de la diplomatie israélienne. Avant son départ, il a affirmé que cette visite « dans un très grand pays musulman ayant des frontières avec la Libye et le Soudan marque une percée historique » a fait savoir son cabinet dans un communiqué. « Cette visite fait partie de la révolution que nous menons dans le monde arabe et musulman que j’avais promis d’accomplir », a avancé le Premier ministre.
Sécurité et terrorisme au programme
Est-ce qu’il sera question de sécurité ? Le sujet fait l’objet de nombreux débats. En effet, déjà en novembre dernier, lors de la visite du président tchadien Idriss Déby Itno, la presse israélienne s’était fait l’écho d’informations recueillies auprès de sources tchadiennes indiquant que « Jérusalem a déjà équipé l’armée tchadienne pour combattre les rebelles au nord ». Une information qu’avaient confirmée à l’AFP d’autres sources se faisant plus précises sur le fait que l’armée tchadienne et l’Agence nationale du renseignement s’étaient équipées de matériels militaires israéliens. Le Tchad est en effet l’un des États africains engagés dans la lutte contre les organisations djihadistes Boko Haram et État islamique en Afrique de l’Ouest. À ce titre, il a reçu en novembre des États-Unis, grand allié d’Israël, des véhicules et navires militaires d’une valeur de 1,3 million de dollars, soit 1,15 million d’euros. Difficile de croire que cette question sera éludée entre les deux hommes et les délégations respectives, surtout que Benjamin Netanyahu est aussi ministre des Affaires étrangères et de la Défense. Il faut aussi souligner que l’affrontement et la lutte d’influence entre l’Iran et Israël s’est accentué en Afrique ces dernières années. Et Tel-Aviv veut se positionner pour contrer Téhéran dans les pays où ce dernier a su créer des liens c’est-à-dire dans les pays bordant la mer Rouge. « Tout cela irrite et provoque même la colère de l’Iran et des Palestiniens qui tentent d’empêcher cela (le rapprochement avec des pays arabes ou musulmans), mais ils n’y parviendront pas », a également affirmé Benjamin Netanyahu.
Un retour en force ?
La pression des nations africaines musulmanes, accentuée par les guerres israélo-arabes de 1967 et de 1973, a conduit un certain nombre d’États africains à rompre avec l’État hébreu, dont le Tchad. Les deux pays, qui ont rompu leurs relations diplomatques en 1972, étaient en désaccord profond sur la question palestinienne, N’Djaména ayant toujours soutenu la cause via notamment l’Organisation de la coopération islamique dont il est membre. Mais ces dernières années, Israël a reconsidéré ses rapports avec le pays. Au centre de leur nouvelle coopération : la lutte contre le terrorisme, mais aussi le développement économique à travers les secteurs de l’agriculture, et de l’énergie solaire entre autres. Le Tchad, pays riche en ressources minières, dispose d’un vaste territoire de 75 millions de terres arables, dont seulement un peu plus de 5 % sont exploités. Un domaine dans lequel Israël a une compétence technique reconnue. Selon l’Institut israélien des exportations et de la coopération internationale (IEICI), l’Afrique du Sud, l’Angola, le Botswana, l’Égypte, le Kenya, le Nigeria et le Togo figurent au titre des partenaires commerciaux réguliers. Mais pour l’instant, le marché africain représente moins de 3 % des exportations israéliennes.
Le Mashav se positionne sur le volet développement
Grâce à son agence de coopération internationale pour le développement, Mashav, l’équivalent de l’Usaid américain ou encore l’AFD française, Israël coopère avec de nombreux pays africains pour promouvoir des secteurs variables comme ceux de l’agriculture, la croissance durable, le développement et la gestion des sources d’eau notamment par le biais de formations. L’agence qui existe depuis 60 engagerait depuis 2010, plus de 1 % du budget national d’Israël. Soit bien plus que ce que les pays développés ont engagé. Plus récemment, Tel-Aviv s’est illustré lors de la crise du virus Ebola en Guinée en 2014 , Mashav avait envoyé une clinique mobile entièrement équipée, alors que les relations diplomatiques entre les deux pays étaient inexistantes.
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