Sénégal : alors que le retour d’Abdoulaye Wade réjouit l’opposition, Macky Sall l’« ignore royalement »

Sénégal

Attendu au Sénégal ce jeudi, l’ex-président de la République a diffusé hier une vidéo appelant au boycott de l’élection du 24 février. Courtisé par les rares candidats en lice face à Macky Sall, l’ancien opposant historique a-t-il repris du service ?

Il n’avait plus remis les pieds au Sénégal depuis novembre 2017. Le retour de l’ex-président sénégalais, Abdoulaye Wade, est annoncé ce jeudi 7 février dans l’après-midi, un peu plus de deux semaines avant l’élection présidentielle à laquelle son fils Karim, candidat officiel du Parti démocratique sénégalais (PDS), est empêché de concourir.

Un jet privé doit le conduire de la capitale française vers l’aéroport international Blaise-Diagne (AIBD), où son atterrissage est prévu à 15 heures locales. Après quoi le patriarche de la scène politique sénégalaise s’offrira un bain de foule à travers les villes de la banlieue dakaroise : Rufisque, Bargny, Pikine, Mbao, Thiaroye… Son cortège traversera ensuite plusieurs quartiers de la capitale jusqu’à la permanence nationale du PDS, au bord de la VDN, où une forte délégation – notamment de partis alliés – est prévue pour célébrer son retour.

Empêcher la tenue du scrutin

« De nombreux Sénégalais m’ont fait parvenir des messages pressants, me demandant de rentrer au pays pour l’aider à sortir de la crise profonde dans laquelle il est plongé aujourd’hui », affirme-t-il, messianique, dans une vidéo mise en ligne mardi 5 février. À 92 ans, le patron du PDS a un seul mot d’ordre : empêcher la tenue de l’élection prévue le 24 février, qu’il estime « verrouillée » par Macky Sall.

Alors que la sempiternelle promesse d’un retour de Karim Wade au Sénégal n’a jamais été tenue, c’est donc son père, qui réside la plupart du temps à Versailles depuis sa défaite, en 2012, qui revient le premier au Sénégal, bien décidé à enfiler à nouveau le costume de chef de file de l’opposition.

Ambitions convergentes, méthodes divergentes

« En l’absence d’une opposition politique forte, structurée et capable de faire bouger les choses, le Sénégal a besoin de l’implication personnelle du président Abdoulaye Wade », juge Babacar Gaye, le porte-parole du PDS. « Il est extrêmement charismatique. Les Sénégalais sont très attachés à ses gestes et à ses déclarations », ajoute-t-il.

Malick Gakou, le président du Grand Parti, dont la candidature a été invalidée par le Conseil constitutionnel, abonde en ce sens, même si lui-même soutiendra Idrissa Seck (Rewmi) : « L’arrivée du président Abdoulaye Wade, qui est une figure d’envergure mondiale, est une bonne nouvelle pour la défense de la démocratie et des libertés au Sénégal. »

Présent en France cette semaine pour y rencontrer Abdoulaye Wade et tenter de le convaincre d’apporter son soutien à « Idy », Malick Gakou refuse de parler d’incompatibilité entre une opposition qui entend affronter Macky Sall dans les urnes et une autre qui compte descendre dans la rue et empêcher le vote.

« Nos méthodes divergent mais nos ambitions convergent pour créer les conditions du changement et de l’alternance », glisse-t-il, tout en appelant l’ex-président à renoncer au boycott de l’élection.

MACKY SALL IGNORE ROYALEMENT ABDOULAYE WADE

Dans le camp présidentiel, on fait savoir que les menaces proférées par Abdoulaye Wade ne sont pas prises au sérieux. Dans un communiqué de presse, la présidence assure que « Macky Sall ignore royalement Abdoulaye Wade ».

« J’ai été affligé par sa déclaration. Le président Abdoulaye Wade avait des difficultés à articuler et à tenir un discours cohérent. C’était le discours d’un père, pas d’un représentant politique. J’ai beaucoup de respect pour lui et lui souhaite tout le repos qu’il mérite », tranche Mor Ngom, ministre conseiller à la présidence. Selon lui, les 92 ans du prédécesseur de Macky Sall ne lui permettent plus d’incarner l’opposition.

Toujours secrétaire général national du parti qu’il a fondé en 1974, Abdoulaye Wade n’était plus venu au Sénégal depuis la campagne des législatives, en 2017. À l’époque déjà, il figurait en tête de la principale liste de l’opposition.

Manon Laplace. JeuneAfrique