Restitution d’œuvres d’art à l’Afrique : un rapport remis vendredi à Macron

Afrique

Dans les milieux de l’art, ce rapport est attendu avec inquiétude. Certains musées ont de très importantes collections africaines.

Le sujet est éminemment sensible. Le rapport de deux universitaires français et sénégalais sur les éventuelles restitutions d’œuvres d’art aux pays d’Afrique subsaharienne a été achevé, a annoncé lundi la maison d’édition Philippe Rey. Il doit être remis vendredi à l’Elysée.

Le 28 novembre 2017, Emmanuel Macron avait annoncé la mise en œuvre, dans un délai de cinq ans, de « restitutions temporaires ou définitives » du patrimoine africain en Afrique.

« Je ne peux pas accepter qu’une large part du patrimoine culturel de plusieurs pays africains soit en France, avait-il pointé depuis l’université de Ouagadougou, au Burkina Faso. […] Le patrimoine africain doit être mis en valeur à Paris mais aussi à Dakar, à Lagos, à Cotonou. »

Inquiétude

Le chef de l’Etat avait confié à Bénédicte Savoy et Felwine Sarr la charge de mener une réflexion, en consultant des spécialistes en Afrique et en France.

Dans les milieux des musées et galeries, ce rapport est attendu avec inquiétude, beaucoup espérant que le président tempérera les propositions les plus radicales concernant les règles des restitutions. Certains musées ont de très importantes collections africaines.

Les experts ne s’accordent pas entre eux sur ce qu’on doit entendre comme spoliations lors de la colonisation, craignent des surenchères politiques et soulignent la difficulté de restituer des œuvres quand les royaumes et les pays qui les possédaient ont disparu.

« Vision condescendante »

Dans Le Point Afrique, Hélène Leloup, historienne de l’art et elle-même marchande, craint par exemple que « la question des butins de guerre, liés aux conquêtes militaires de la fin du XIXe siècle », se soit « insidieusement élargie à l’ensemble des patrimoines africains ayant quitté le continent sous la colonisation. »

« Dès 1957, nous avons commencé à voyager sur le continent pour acheter des objets in situ, dit-elle de sa propre expérience. Nous traitions avec des marchands d’art maliens, guinéens et ivoiriens. Dire que ces biens furent pillés ou sous-entendre qu’ils furent mal acquis, c’est d’abord ignorer l’existence de ces marchands africains et de ce marché déjà connu des musées européens. C’est aussi avoir une vision condescendante, en insinuant que les Africains ne pouvaient apprécier la valeur de leur patrimoine. »

88 000 objets

Selon l’éditeur Philippe Rey, qui en publiera le contenu le 27 novembre en partenariat avec le Seuil, le rapport Savoy-Sarr « raconte les spoliations à travers l’histoire mondiale, évalue la part de la France, dresse un premier inventaire des œuvres spoliées, fait le récit des tentatives des pays africains pour se réapproprier leur patrimoine, analyse les questions juridiques qui se posent, et énonce un certain nombre de recommandations pratiques pour la mise en œuvre des restitutions ».

« On compte actuellement dans les collections publiques françaises au moins 88 000 objets provenant de l’Afrique subsaharienne », affirme l’éditeur dans sa présentation de l’ouvrage, qui souligne les « nombreuses réclamations de pays africains depuis les indépendances ».

Originally posted 2018-11-22 01:22:31.