Pourquoi l’Afrique doit être une « priorité mondiale »

Afrique

Le rapport annuel de la fondation Bill & Melinda Gates pointe les dangers de l’explosion démographique à venir en Afrique subsaharienne et prône la réduction de la pauvreté.

Ils n’ont pas la même vision du monde que leur président Donald Trump. Alors que ce dernier, dans son budget « America First », a réduit de manière drastique les aides à l’Afrique subsaharienne – dont il parle peu et où il n’a pas manifesté l’intention de se rendre –, Bill Gates et sa femme, Melinda, y concentrent toute leur attention et une partie de leur fortune. Publié le 18 septembre, le rapport annuel de leur fondation (la plus grande du monde, avec 1 500 employés) justifie ce positionnement, chiffres à l’appui. D’ici à 2050, la population de l’Afrique subsaharienne aura doublé, elle concentrera 86 % des populations en situation d’extrême pauvreté dans le monde, dont près de la moitié sur deux pays : le Nigeria et la République démocratique du Congo.

La croissance démographique menace l’avenir

Bill Gates, d’habitude très optimiste, émet cette année quelques réserves sur l’avenir du monde. « Les mortalités infantile et maternelle ont chuté et la pauvreté extrême a été divisée par deux en vingt ans. Les enfants sont de plus en plus scolarisés, explique le fondateur de Microsoft. Mais pour la première fois, cette tendance générale à l’amélioration du niveau de vie pourrait s’interrompre, voire s’inverser. » La raison en es       t le nombre trop important de naissances. Comme l’écrit le chercheur Alex Ezeh dans le rapport, « une des conditions pour que les progrès perdurent consiste à ralentir la croissance démographique débridée dans certaines régions du continent ». Le sujet est si épineux, poursuit le chercheur, que les acteurs de l’aide au développement l’ignorent depuis des années.

Améliorer la santé

« La question de la démographie ne doit pas être taboue », assure Natasha Quist, conseillère spéciale pour l’Afrique de l’Ouest et centrale de la fondation, qui cite de bons exemples comme le Burkina Faso, où le gouvernement mène une politique active avec la distribution de contraceptifs gratuits. La principale cause de cette explosion démographique, explique le rapport, est « la peur que les enfants n’atteignent pas l’âge adulte ». « Avoir une grande famille constitue une forme d’assurance contre le risque de la perte tragique d’un fils ou d’une fille. » Cette peur se dissipe avec l’amélioration du niveau de santé. « Lorsque davantage d’enfants passent l’âge de 5 ans et quand les mères ont la capacité de décider si et quand elles ont des enfants, la taille des populations n’augmente pas : elle diminue », écrivait Melinda Gates dans une lettre en février dernier. D’où l’urgence de mener des politiques d’aide au développement autour du « capital humain », c’est-à-dire la santé, l’éducation et l’autonomisation des femmes. « Car donner plus de “pouvoir” aux femmes leur offre le choix du nombre d’enfants. »

Le même raisonnement a poussé Emmanuel Macron, en septembre dernier, à annoncer pour le budget 2019 une augmentation de 1 milliard d’euros de dons à destination de l’Afrique dans ces mêmes secteurs, en particulier l’éducation des jeunes filles. « D’autres pays font le même calcul », estime Natasha Quist, qui cite le cas de la Chine. La fondation Bill & Melinda Gates, qui depuis sa création en 2000 a investi 15 milliards de dollars dans le continent africain, entend donc renforcer son engagement et augmenter ses dotations. « La raison est simple, écrit Bill Gates, nous le faisons parce que ça marche. » Et de citer le cas de l’Ethiopie, 100 millions d’habitants, longtemps victime de famines à répétition, aujourd’hui en plein boom économique. Avec ces 500 000 nouveaux diplômés d’universités par an, le pays intéresse Emmanuel Macron, qui a invité le Premier ministre à Paris et espère s’y rendre prochainement.

Originally posted 2018-09-28 02:56:30.