Au Sénégal, la religion pollue le débat politique

Sénégal

Dans un texte publié lundi 1er octobre, Ahmed Khalifa Niasse, guide religieux et homme politique sénégalais, a accusé Ousmane Sonko, un candidat à l’élection présidentielle de février 2019, au Sénégal d’être un salafiste.

Le Sénégal se dirige vers une élection présidentielle prévue le 24 février 2019. En prélude à cette élection, la campagne pour le parrainage des candidatures bat son plein.

Depuis le 16 septembre, la religion s’est invitée dans le débat politique. Lors de la présentation à Dakar de son livre-programme, « Solutions – pour un Sénégal nouveau », le candidat Ousmane Sonko a été interpellé par un journaliste sur ses convictions religieuses mais a refusé de répondre. Il a même dénoncé une stigmatisation. « Je suis le seul homme politique sénégalais à qui on pose des questions sur sa foi, si je fais partie du mouvement Ibadou Rahmane – un courant musulman rigoriste – parce que j’ai la barbe et que mes deux femmes sont voilées. Cette question induit à une stigmatisation d’une catégorie de Sénégalais », s’est-il indigné.

Depuis lors, Sonko a subi de nombreuses attaques de responsables politiques. Fatou Thiam, ancien député et leader l’ Alliance libérale pour l’unité de la République (Alur) l’a même qualifié d’« islamiste ». Elle sera suivie d’autres responsables politiques. Ahmed Khalifa Niass, un leader politique et chef religieux de la famille des Niassènes – une famille musulmane soufie de la confrérie Tijaniyya – a rajouté une couche. Il affirme qu’Ousmane Sonko est un « salafiste », appartenant au groupe « Salman Al Ouda et Al Karni ». « Il y a lieu de savoir que l’idéologie de Sonko est la même qui a sévi à Grand Bassam (Côte d’Ivoire), dans la zone de Mopti et au nord du Mali. Elle a ouvert un front au Burkina Faso », a-t-il soutenu.

Sonko dément

Ces incriminations ont fait bondir le camp de Sonko pour qui la plupart des attaques dont son leader fait l’objet depuis la publication de son livre relèvent de la « pure subjectivité et de la méconnaissance totale de la nature de la République sénégalaise ». Et de poursuivre que le parti est loin du mouvement Ibadou Rahmane, ou des salafistes et des « wahhabistes ». Sonko précise également qu’« il entretient de bonnes relations avec toutes les familles religieuses du Sénégal où il y est toujours reçu de manière chaleureuse ». Ancien inspecteur des Impôts et domaines, Sonko est adulé par de nombreux jeunes qui apprécient ses discours. Il accuse ses détracteurs de soulever des questions d’appartenance religieuse pour lui nuire après avoir cherché en vain dans sa vie privée.

soutien

Le chef de cabinet du président de la République, Moustapha Diakhaté, loin d’être d’accord avec la sortie de Khalifa Niass, a rappelé que la « Constitution du Sénégal, en proclamant le respect et la garantie intangibles des libertés philosophiques et religieuses, prohibe la stigmatisation de choix confessionnel des citoyens sénégalais ».

Dans le même sens, Thomas Diatta, juriste et enseignant-chercheur à l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar soutient que « quand la religion est au cœur du débat politique, ça devient inquiétant pour toute personne sensée ». C’est aussi le sentiment de plusieurs internautes qui sont contre la « stigmatisation ».

Charles Senghor, à Dakar

Originally posted 2018-10-05 20:06:02.