Afrique : des défis majeurs à relever en 2019

Sénégal

CONJONCTURE. Pour mieux résister au chômage de plus en plus fort, l’Afrique doit conjuguer croissance inclusive et intégration régionale. C’est ce qui ressort du dernier rapport de la Banque africaine de développement sur les perspectives économiques du continent.

Les propos d’Akinwumi Adesina sont encourageants. « La situation du continent est bonne. Les performances économiques générales de l’Afrique continuent de s’améliorer », affirme-t-il dans le dernier rapport de la Banque africaine de développement (BAD) sur les perspectives économiques de l’Afrique en 2019. Pourtant, la croissance du continent accuse une légère baisse en 2018 à 3,5 %, contre 3,6 % l’année précédente. Le chiffre devrait en revanche grimper à 4 % en 2019, selon les estimations de la BAD.

Une croissance tirée en premier lieu par l’Afrique de l’Est, la plus forte du continent, Djibouti, l’Éthiopie, le Rwanda et la Tanzanie enregistrant même des taux supérieurs à la moyenne. Le Maghreb-Machrek constitue lui aussi un des moteurs du continent, puisque la région devrait représenter à elle seule 1,6 point du pourcentage prévu pour 2019, soit presque la moitié. L’Afrique australe, elle, est à la traîne. D’après la BAD, la croissance devrait rester modérée d’ici 2020. La raison : un faible développement en Afrique du Sud qui affecte du reste les pays voisins.

Une croissance qui n’endigue pas le chômage

Bien que les rythmes de la croissance diffèrent selon les régions, globalement, la dynamique se renforce en Afrique. C’est aussi l’analyse de la Banque mondiale, qui dans son dernier rapport publié le 8 janvier, table sur un taux de 3,4 % en 2019, contre 2,7 en 2018 pour l’Afrique subsaharienne. Malgré tout, la croissance du continent reste « insuffisante pour réduire le chômage et la pauvreté », estime Akinwumi Adesina.

La population africaine en âge de travailler devrait passer en effet de 705 millions de personnes en 2018 à près d’un milliard d’ici 2030. Or, si l’Afrique reste dans son rythme actuel de croissance, « elle devra créer chaque année environ 12 millions de nouveaux emplois pour contenir l’augmentation du chômage », d’après le rapport. L’objectif est donc de taille.

Des pistes pour endiguer le chômage

Le rapport donne tout de même quelques pistes pour y parvenir. Pour Akinwumi Adesina, l’Afrique n’a pas le choix : elle doit s’industrialiser « pour éviter le piège de l’économie informelle et le chômage chronique ». Et le rapport d’ajouter que « sans changement structurel significatif, la plupart des emplois créés le seront probablement dans le secteur informel, où la productivité et les salaires sont bas et le travail précaire, rendant l’objectif d’éradication de l’extrême pauvreté d’ici 2030 difficile à atteindre ». Pour Hanan Morsy, directrice du département de la prévision et de la recherche de la BAD, c’est d’ailleurs « la croissance tirée par le secteur manufacturier qui a le plus grand impact sur la création d’emplois ».

Vers une « Afrique sans frontières »

Autre solution largement préconisée par les analystes, celle d’une intégration économique plus poussée. Ainsi, pour Akinwumi Adesina, « une Afrique sans frontières n’est pas seulement un idéal politique. Elle pourrait également constituer le fondement d’un marché continental concurrentiel pour accélérer la croissance et rendre le continent plus compétitif dans le commerce mondial et les chaînes de valeur ». Une volonté totalement en accord avec les aspirations de la zone de libre-échange continentale (ZLEC) lancée par l’Union africaine (UA) et signée en mars 2018 par 44 pays du continent, par 49 aujourd’hui.

Pour le rapport, les pays africains doivent désormais axer leur politique commerciale sur les critères exigés par la ZLEC. Une politique qui se résume en cinq actions clés : éliminer tous les tarifs bilatéraux appliqués en Afrique, maintenir les règles d’origine simples, flexibles et transparentes, supprimer toutes les barrières non tarifaires sur les biens et services, mettre en œuvre l’Accord sur la facilitation des échanges de l’Organisation mondiale du commerce – cela afin de réduire les délais et les coûts de transaction transfrontaliers liés aux mesures non tarifaires –, et enfin négocier avec les autres pays en développement afin de réduire leurs droits de douane et leurs barrières non tarifaires de 50 %. À la clé, les analystes promettent des gains totaux africains à 4,5 % de son PIB, soit 134 milliards de dollars par an, et une augmentation de 15 % du commerce intra-africain. Reste à savoir si les dirigeants réfractaires au projet changeront d’avis.

MARLÈNE PANARA